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Femmes et sport : de nombreux obstacles persistent

Une analyse du Conseil du statut de la femme

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Temps estimé de lecture :4 minutes

Au Québec, les filles bougent moins que les garçons, et les femmes demeurent sous-représentées dans le monde sportif. Si les mentalités évoluent, il reste encore de nombreux obstacles structurels auxquels les femmes font face pour pratiquer un sport, selon une récente étude du Conseil du statut de la femme.

Persistance des stéréotypes sexuels, vulnérabilité à la violence, manque de ressources, de visibilité médiatique ou de représentativité dans les postes de pouvoir. Voilà autant d’enjeux qui expliquent la sous-représentation des filles et des femmes dans le monde du sport, selon l’étude du Conseil Femmes et sport : constats et enjeux, publiée en novembre 2022.

De nombreux efforts sont cependant déployés pour changer la situation au Québec. Par exemple, les organismes de sport et de loisir ont maintenant l’obligation d’agir pour assurer la mixité. Une plateforme devrait également être mise en ligne pour permettre de déposer des plaintes liées aux violences sexuelles en contexte sportif. « On voulait voir si les choses changeaient sur le terrain, et dans quelle mesure la situation évoluait », explique Mélanie Julien, directrice de la recherche et de l’analyse au Conseil du statut de la femme, et qui a piloté l’étude.

Des disparités ancrées

Malgré tout, seul le tiers des athlètes au Québec sont des femmes, observe la directrice. De même, entre 14 et 15 % des filles de 6 à 17 ans sont actives physiquement, contre 23 % des garçons du même âge, selon des chiffres récents de l’Institut de la statistique du Québec. La participation sportive peut être encore plus basse chez certains sous-groupes de filles, en fonction de facteurs comme le statut socioéconomique, l’origine ethnique ou une situation de handicap.

La persistance de stéréotypes sexuels, qui associent davantage le sport à la masculinité, continuerait d’exercer une influence sur la participation sportive de la gent féminine. Les sports qui nécessitent plus de force, de vitesse ou d’agressivité sont surtout associés aux hommes, et peuvent être valorisés davantage dans la hiérarchie sociale, selon certain·e·s.

Dans le milieu sportif, les femmes et les personnes non binaires restent plus vulnérables face à l’hostilité et aux violences sexuelles, souligne l’étude. Ainsi, près de 70 % des adolescentes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou queers ont affirmé ne pas se sentir en sécurité́ dans les vestiaires de leur école, selon un sondage pancanadien mené en 2019-2020.

Un manque de représentation

« Certaines données demeurent troublantes, poursuit Mélanie Julien. Malgré le fait que les femmes investissent de plus en plus l’univers du sport et se démarquent, la couverture médiatique est plus ou moins là. »

De fait, à peine 4 % des 35 000 heures d’émissions sportives dans les quatre principales chaînes de télévision sportives canadiennes (RDS, SportsNet, TSN et TVA Sports) ont couvert des sports féminins en 2014, relate le Conseil. « C’est un cercle vicieux, constate Mélanie Julien. Le fait que les sports féminins sont moins couverts par les médias ne nourrit pas l’intérêt du public et, par conséquent, les commanditaires sont moins présents pour les athlètes féminines. Cette situation a une incidence sur le salaire. Les athlètes féminines doivent souvent occuper un emploi en parallèle de leur carrière sportive, ce qui peut les amener à se détourner de cette carrière étant donné la difficulté à conjuguer sport et travail. »

Les autrices de l’étude pointent également du doigt la faible proportion de femmes dans les fonctions décisionnelles. Les femmes occupent, en moyenne, seulement 37 % des postes de direction générale au sein des organismes de sport, de plein air ou de loisir, selon une étude de la Chaire Claire-Bonenfant – Femmes, Savoirs et Sociétés de l’Université Laval.

« Partout où l’on prend des décisions, les voix des femmes sont très peu entendues parce qu’elles ne sont pas là, autour des tables », remarque Guylaine Demers, professeure titulaire au Département d’éducation physique de l’Université Laval, à la barre du Laboratoire pour la progression des femmes dans les sports au Québec (Lab PROFEMS), créé au printemps 2022.

« Les autrices de l’étude pointent également du doigt la faible proportion de femmes dans les fonctions décisionnelles.  »

« Depuis près de 30 ans, je fais de la recherche dans le domaine. C’est très difficile de percer ce milieu, que ce soit à la présidence des fédérations sportives, des clubs ou des directions générales et techniques. Même le nombre d’entraîneuses est famélique », affirme la professeure.

Malgré ces défis, Guylaine Demers demeure optimiste pour l’avenir. En 2018, le gouvernement du Québec a commandé une étude pour obtenir un portrait de la situation et dégager des pistes d’action, dit-elle. Les fédérations sportives sont davantage conscientisées sur l’importance de la présence des filles et des femmes dans le sport, note la professeure. « Les trois ou quatre dernières années me donnent un espoir très concret que ça va s’améliorer. »