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Un PM féministe

Le 18 avril 2007, le premier ministre, Jean Charest, a formé un Conseil des ministres qui comprend autant de femmes que d’hommes, une première dans l’histoire du Québec.

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Le 18 avril 2007, le premier ministre, Jean Charest, a formé un Conseil des ministres qui comprend autant de femmes que d’hommes, une première dans l’histoire du Québec. La Gazette des femmes l’a rencontré pour échanger sur ce tournant majeur.

Vous avez constitué le premier Conseil des ministres paritaire de l’histoire du Québec. Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix ?

C’est le résultat de plusieurs années de travail. En 1998, à mon arrivée à la tête du Parti libéral du Québec, j’ai constaté qu’il n’y avait pas suffisamment de candidates et j’ai entrepris un travail de fond pour convaincre certaines femmes de se présenter. Lors des élections partielles qui ont suivi, plusieurs ont été élues, ce qui a entraîné une percée importante au chapitre de la représentation des femmes dans notre caucus. Cette présence plus importante m’a permis de nommer plusieurs femmes ministres au lendemain des élections de 2003 et, après celles de 2007, d’atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes au Conseil des ministres.

Vous avez une longue expérience en politique, vous avez participé à plusieurs conseils des ministres. Constatez-vous des différences dans le fonctionnement d’un conseil paritaire comparé à un conseil composé majoritairement d’hommes ?

Oui, surtout en ce qui concerne les enjeux qui touchent directement les femmes. En étant paritaire, on a un son de cloche qui reflète ce qu’elles vivent. Les politiciennes ont aussi une attitude différente. De façon générale, elles sont moins agressives, moins en mode combat. Elles sont davantage consensuelles. Elles recherchent plus le compromis et sont capables de reconnaître une erreur quand il y en a une. Elles travaillent donc différemment. Je remarque que ce comportement fait en sorte qu’elles ne se reconnaissent pas beaucoup dans la période de questions. Pour elles, ça apparaît un peu comme un passage obligatoire pour faire passer leurs idées. Tandis que chez certains parlementaires masculins, c’est un vrai défi.

Le fait qu’il y ait plus de femmes en politique amène-t-il des changements dans les habitudes de travail ?

Oui. On fait plus attention à notre vie personnelle et familiale maintenant qu’il y a quelques années. Les choses changent. Quand j’ai accédé au cabinet fédéral, j’avais 28 ans et j’amenais ma fille aînée à la garderie du parlement. Tous les mardis, nous avions une réunion qui débutait avant l’ouverture de la garderie. J’avais demandé si on pouvait retarder l’heure de réunion, mais en vain. Je me suis donc présenté une première semaine avec ma fille à la réunion. Puis une deuxième. La troisième semaine, l’heure de la réunion avait été repoussée.

Si on veut attirer des gens en politique, il faut créer cet espace pour une vie personnelle. Et les femmes sont particulièrement attentives à cela. Des réactions à la suite de la composition de votre Conseil des ministres ?

Les réactions ont été somme toute positives, autant au sein de la députation que dans la société civile. Les femmes qui ont lutté pour l’égalité entre les sexes ont exprimé leur satisfaction. Quant aux plus jeunes, elles ont moins réagi. Je crois que pour elles, ça allait de soi.

Vous avez nommé des femmes à des postes importants, telles Mme Jérôme-Forget au Conseil du trésor et Mme Normandeau comme vice-première ministre et ministre des Affaires municipales et des Régions. Les femmes à des ministères de plus en plus stratégiques, ça devient incontournable ?

Effectivement, des femmes avec de hautes responsabilités, ce n’est plus l’exception. J’ai 49 ans, ma conjointe Michèle, 50. J’ai toujours eu une relation égalitaire avec elle et nous avons partagé les responsabilités familiales. Je ne pense pas être une exception à la règle, car mes amis agissent de la même façon. Pour moi, c’était donc normal d’avoir un Conseil des ministres composé d’autant de femmes que d’hommes. Ce que j’ai devant moi quand je préside le Conseil m’apparaît simplement comme le reflet de la société québécoise.

Cela dit, ce choix s’inscrit dans un ensemble de gestes pour favoriser l’égalité entre les sexes. L’adoption de la politique gouvernementale Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait en est un. Tout comme la décision d’intervenir dans la gouvernance des sociétés d’État en demandant que leurs conseils d’administration soient paritaires.

Avez-vous créé un précédent en instituant un Conseil des ministres paritaire ?

Si un premier ministre fait un autre choix, il devra expliquer pourquoi. C’est un minimum. Mais je crois que ce sera suivi.

Sinon, il y aura des femmes pour le leur rappeler…

Et des hommes. Je vais vous faire une prédiction : ça ne m’étonnerait pas du tout qu’il y ait un jour une majorité de femmes au Conseil des ministres.

Tant qu’à être dans les prédictions, quand aurons-nous une femme première ministre au Québec ? À la suite de la prochaine élection ?

(Rires) Votre question m’embarrasse, car je veux être premier ministre du Québec longtemps encore. Permettez-moi de finir le travail que j’ai commencé.