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L’égalité vue par Monic Néron

« Je suis fermement convaincue que pour avancer, ça prendra plus de nuance, plus de réflexions qui ont un effet concret sur nos existences. »

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Bandeau :Photo : © Andréanne Gauthier

Monic Néron est journaliste et animatrice. Révélée au grand public en 2013 comme collaboratrice en matière d’affaires judiciaires à l’émission Puisqu’il faut se lever animée par Paul Arcand, elle développe depuis une voix et un regard uniques sur notre monde. Elle coanimera à Télé-Québec pour une troisième saison le magazine L’avenir nous appartient, orienté vers le journalisme de solution, en plus de retrouver son auditoire sur ICI Première à l’hebdomadaire Le genre humain. Lors de la saison 2022-2023, Monic Néron et Simon Coutu présenteront Alpha_02 : Le mystère Alexandre Cazes, une série documentaire d’enquête en quatre épisodes. Une seconde investigation d’envergure pour la journaliste, qui était derrière Le dernier soir, la première série documentaire d’enquête québécoise. Monic Néron a également contribué à la réflexion sur le traitement réservé aux victimes de crimes à caractère sexuel dans le long-métrage documentaire La parfaite victime, coréalisé avec Émilie Perreault. Journaliste d’exception, Monic Néron discute avec nous d’espace médiatique inclusif, de journalisme de solution, de féminisme et d’héroïnes modernes… entre autres!

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L’espace médiatique québécois est-il genré ou sexiste (personnes d’influence, personnes expertes invitées, journalistes, etc.)?

Notre espace médiatique actuel fourmille de femmes allumées, pertinentes et captivantes qui alimentent les débats et qui nous font avancer collectivement. Mais on ne les voit pas ou on ne les entend pas encore assez, surtout dans des créneaux d’envergure. C’est signe qu’on en fait encore trop peu pour leur permettre de déployer leurs ailes. Parce que oui, elles sont là, prêtes à sauter dans l’arène. Enfin, on voit des employeurs récalcitrants arriver en 2022. On voit les équipes de direction, de rédaction faire davantage d’efforts de représentativité.

Mais ce n’est pas encore gagné. Si on recrute des femmes pour un tandem avec un confrère masculin par exemple, est-ce qu’on ne fait pas du surplace? On doit permettre aux femmes d’avoir véritablement les deux mains sur le volant. Des deux côtés du micro, des candidates ultracompétentes diront encore souvent : « Êtes-vous certain que je suis la bonne personne pour cette entrevue, ce poste, ce mandat? » J’ai personnellement déjà répondu de la sorte, alors que je savais pourtant au fond de moi que j’étais parfaitement qualifiée. Défoncer des portes, ça demande du cran et une fougue quasi insouciante et ce n’est pas inné chez chacune de nous. Même pas chez les plus ambitieuses d’entre nous. Je rêve du jour où nous foncerons dans le tas sans nous poser de questions.

Pourquoi les femmes devraient-elles s’approprier davantage le débat public?

Parce qu’elles sont trop occupées à mettre les bouchées doubles pour arriver au même résultat, le débat public parle d’elles, de leur avenir, celui de leurs proches, de leurs enfants et de leur portefeuille. Trop longtemps, on a décidé du sort des femmes derrière des portes closes. Ouvrir la télé et tomber sur un panel d’experts ou d’analystes exclusivement masculins qui discutent d’avortement, c’est le plus insensé des exemples, mais on y a assisté encore tout récemment.

Est-ce que le journalisme de solution vous semble une approche plus inclusive que le journalisme traditionnel? Pourrait-il changer le visage du métier et du débat public de manière élargie?

En journalisme de solution, en plus du « qui, quoi, quand, où, comment », il y a le « mais encore ». C’est donc à la base une approche qui nous pousse à réfléchir plus que le client en demande, à revoir nos idéaux, nos façons de faire. C’est indéniablement plus inclusif. Je suis fermement convaincue que pour avancer, ça prendra plus de nuance, plus de réflexions qui ont un effet concret sur nos existences. J’espère qu’on verra cette vision de l’information constructive se répandre de plus en plus de ce côté-ci de l’Atlantique.

Ouvrir la télé et tomber sur un panel d’experts ou d’analystes exclusivement masculins qui discutent d’avortement, c’est le plus insensé des exemples, mais on y a assisté encore tout récemment.

Il n’y a rien comme rencontrer des gens qui ont trois coups d’avance sur un enjeu X pour nous pousser à l’action. Le bris de confiance entre le public et le journalisme traditionnel est manifeste, mais il est démontré que le journalisme d’impact peut contribuer à rebâtir cette confiance malmenée. Il s’agit juste de dévier légèrement l’angle et d’insuffler un minimum d’espoir. Parce que tout n’est pas perdu d’avance si on se donne la peine de fouiller un peu.

Quelle personnalité féministe vous inspire le plus?

J’ai une admiration sans bornes pour le mouvement Mères au front, cofondé par la militante écologiste Laure Waridel et la cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette. Il est minuit moins une pour éviter la catastrophe climatique et voilà que de citoyennes « louves et lionnes », des mères et des grands-mères sortent leurs crocs dans la rue pour manifester leur « colère chargée d’amour » envers les autorités qui tardent à agir. Au nom de celles et ceux qu’elles ont mis au monde. Il y a quelque chose de profondément renversant et rassurant dans le fait de voir des mères aux agendas aussi chargés que le premier ministre – qu’elles interpellent – se tenir debout de la sorte pour changer la trajectoire de l’existence de nos enfants. Ce sont des héroïnes modernes.

Je suis féministe parce que…

Parce que j’ai vu trop d’inégalités dans des corridors de palais de justice et que ce serait irresponsable d’en faire abstraction. J’ai passé une décennie aux premières loges de la misère humaine, de la violence faite aux femmes et aux enfants. Les violences sexuelles et conjugales, fléaux auxquels on s’attaque enfin collectivement, sont la conséquence directe de rapports sociaux de genre en déséquilibre depuis des siècles. En s’attaquant à l’égalité des sexes dès le plus jeune âge, à la façon dont on élève nos garçons et nos filles, on s’attaque ultimement à l’égalité des chances. Je suis la maman d’un petit garçon de 3 ans et, chaque jour, je l’espère sensible, bon et respectueux, au nom du bien commun.