Aller directement au contenu

Les femmes et l’argent : une série de balados étonnante!

L’émancipation financière des femmes face à des préjugés tenaces?

Date de publication :

Auteur路e :

Temps estimé de lecture :5 minutes

L’argent est un outil, un levier d’émancipation. Il permet de dire non, de dire oui, d’accéder à des possibilités ou… de les refuser. Mais les Québécoises aiment-elles parler d’argent? Divulguer leur salaire? Négocier? Au-delà de l’écart salarial persistant entre les femmes et les hommes, quelle relation les femmes entretiennent-elles avec l’argent? Pour creuser la question, le Conseil du statut de la femme et les Productions Bazzo Bazzo présentent Les femmes et l’argent, une série de balados animée par Marie-France Bazzo et Marie Grégoire, et réalisée par Philippe Desrosiers.

Pensée en cinq épisodes comme autant de thématiques, cette série originale décortique le pouvoir de l’argent, la vulnérabilité financière, l’argent à travers les générations, l’ambition et l’argent dans l’intimité. À travers des récits uniques de femmes de divers horizons, un constat se dessine en filigrane : le tabou entourant l’argent n’est pas chose du passé. Les freins systémiques à l’émancipation financière des femmes existent encore, et les préjugés sont, eux aussi, tenaces.

Des écarts salariaux qui persistent

Marie-France Bazzo

Marie-France Bazzo est productrice et animatrice de télévision et de radio. Si elle se considère comme décomplexée face aux questions d’argent, elle constate des lacunes dans l’éducation financière au Québec. Selon elle, il y aurait une gêne, voire une résistance à parler d’argent. Mais puisqu’il s’agit d’un sujet universel, il est impératif de lever le voile sur cette parole, défend la productrice.

« On ne peut pas parler d’argent sans parler d’égalité, des étapes de la vie, du pouvoir inhérent au fait d’en gagner ou d’en perdre. » Ce rapport trouble à l’argent nuirait à la pleine maîtrise des moyens financiers des femmes, pour qui ces conversations seraient encore plus difficiles à mener.

C’est Marie Grégoire, femme politique et actuelle directrice de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), qui a eu l’idée du projet. « J’avais l’impression qu’il y avait certaines avancées dans le rapport qu’entretiennent les femmes à l’argent. Je me suis rendu compte que pas tant que ça. Bien qu’il y ait des femmes indépendantes financièrement, il y a des chiffres qui témoignent des écarts salariaux, et les chiffres sont têtus », constate-t-elle.

L’équité recherchée n’est pas atteinte, comme l’illustrent les disparités salariales, mais aussi les emplois à faible revenu, encore largement occupés par les femmes. Ces rôles moins reconnus et moins bien payés contribuent à la vulnérabilité financière des femmes.

L’argent, enjeu privé ou politique?

Marie Grégoire

« En faisant ce balado-là, on a mesuré le malaise des gens par rapport à l’argent. La recherchiste a essuyé beaucoup de refus. Des gens lui disaient “non, je ne veux pas en parler. C’est personnel” », se remémore Marie-France Bazzo. Selon elle, il est évident que l’argent n’a rien de personnel. Elle défend plutôt l’idée qu’il s’agit d’un enjeu social et structurel. « Quand on pense que le revenu annuel des femmes représente 70 % de celui des hommes, ce n’est pas toi, toute seule dans ton coin, qui va faire quelque chose. C’est en changeant les lois, en faisant évoluer des secteurs entiers du travail, en multipliant la présence de femmes sur les conseils d’administration », revendique l’animatrice.

L’argent comme levier politique, donc. « Ça permet de dire non, qui est un très beau mot. Et ça permet de dire oui, qui est un autre très beau mot », souligne Marie-France Bazzo. « Si tu as des problèmes financiers, tu es rabattue au sol, constamment », défend-elle. Cette liberté financière se mesure différemment pour chaque individu, mais elle offre dans l’absolu la possibilité de faire des choix éclairés : aider la famille dans le pays d’origine, subvenir aux besoins de ses enfants, s’extraire d’une situation difficile, accéder à un logement décent, se réaliser.

« L’argent, ça permet de revendiquer, de voir plus grand que soi, de redonner aux autres, de penser les choses en termes politiques, de faire du travail communautaire, de regarder les autres », croit Marie-France Bazzo. Alors que les femmes ont trop longtemps été confinées au domaine privé, leur pleine participation à la vie économique est ainsi un enjeu de société impératif.

Assumer son ambition… pour soi

Au-delà des structures systémiques, d’autres facteurs contribueraient à complexifier le rapport des femmes et de l’argent. Parmi ceux-ci, le syndrome de l’imposteur, qui serait encore très présent chez de nombreuses femmes. Le troisième épisode du balado, qui porte sur l’ambition des femmes, creuse cette question.

« On ne peut pas parler d’argent sans parler d’égalité, des étapes de la vie, du pouvoir inhérent au fait d’en gagner ou d’en perdre. »

– Marie-France Bazzo

« Ç’a été très difficile de trouver des femmes qui se disent ambitieuses », se surprend encore Marie-France Bazzo. La plupart des femmes rencontrées disaient avoir de l’ambition pour les autres, et non pas pour elles-mêmes. Selon l’animatrice, ce rapport complexé à l’ambition n’est pas sain. « L’ambition, ce n’est pas d’écraser les autres, puis de marcher sur les pieds. C’est d’avoir des objectifs, de s’organiser pour les atteindre. »

Même constat chez Me Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme, qui travaille à mettre en valeur la contribution des femmes à l’essor économique et social du Québec. « Les préjugés qui existaient pour les femmes qui ont de l’argent existent encore. Les femmes se disent ambitieuses pour leurs enfants, pour leur carrière, pour les autres, mais rarement pour elles-mêmes », témoigne-t-elle.

Une parole à démonter

« Ce sont des balados de conversation, il n’y a pas de prétention scientifique là-dedans. Le but est de susciter des conversations », résume la présidente du Conseil du statut de la femme. C’est par des conversations lucides, éclairées et décomplexées sur l’argent que cette série de balados cherche à réfléchir et à faire réfléchir.

S’agit-il d’une écoute destinée uniquement aux femmes? Pas du tout! défend Marie Grégoire. « Cette conversation, on peut l’avoir entre femmes, mais on n’y arrivera pas seules. La parole doit s’élargir. » Marie Grégoire espère que beaucoup d’hommes écouteront le balado, et auront envie de participer à la conversation. Quand les femmes ont de l’autonomie, c’est tout le monde qui y gagne.

Écoutez et partagez les cinq épisodes de la série Les femmes et l’argent!

Dans le cadre de cet article, la productrice et animatrice Marie-France Bazzo discute avec Marjorie Champagne de la relation des femmes avec l’argent.

Écoutez l’intégrale de l’entrevue, diffusée à l’émission Québec, réveille! du jeudi 3 mars 2022 sur les ondes de CKIA 88.3 FM à Québec.