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Question de genre

Pourquoi les petits garçons ne sont pas des petites filles ? La réponse paraît évidente : les premiers ont un pénis, les autres un vagin.

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Pourquoi les petits garçons ne sont pas des petites filles ? La réponse paraît évidente : les premiers ont un pénis, les autres un vagin. Les esprits plus scientifiques préciseront que la différence consiste plutôt en ce que les garçons ont des chromosomes X et Y, tandis que les filles n’ont que des X — ce qui conditionne une foule de différences génétiques et hormonales. Soit. Mais ce qui intéresse Claire-Marie Clozel, traductrice médicale formée en philosophie et en mathématiques, c’est l’influence des gènes sur les différences comportementales entre les sexes. Ce sujet controversé relève de l’épigénétique, qui étudie l’ensemble des facteurs influençant l’expression des gènes d’un organisme (car la présence d’un gène n’implique pas forcément sa manifestation). Loin de penser que nos gènes nous déterminent entièrement, les épigénéticiens cherchent à comprendre quel genre d’interaction existe entre le génome et l’environnement… et même avec la culture. Pas étonnant que l’explication génétique des comportements commence à rallier ses plus farouches opposants — parmi lesquels des féministes. « Ça m’a pris 10 ans à publier ce livre, ce n’est pas pour rien, confie celle qui a mené des recherches approfondies afin de nuancer son propos au maximum. J’étais farouchement culturaliste, comme tous les gens éduqués de mon époque. Je croyais que les comportements étaient acquis culturellement. » Ce n’est qu’après avoir mis au monde un garçon que Claire-Marie Clozel a commencé à douter de l’omnipotence de l’éducation… Parmi les différences de genre les mieux documentées figurent les habiletés langagières et visuo-spatiales. Si les fillettes ont plus d’aptitudes pour les premières et les garçons pour les secondes, des exceptions existent. Mais il faut reconnaître ces différences, insiste Mme Clozel, et envisager la possibilité qu’au lieu d’être le résultat d’une éducation différenciée, elles en soient plutôt la cause. « Ces idées font peur parce qu’on a l’impression qu’elles vont à l’encontre des acquis du féminisme », commente l’auteure, qui reconnaît qu’elles peuvent être mal interprétées. Comment éviter que les différences découvertes par la génétique ne soient montées en épingle, cantonnant ainsi les femmes et les hommes dans des rôles traditionnels et renforçant certains stéréotypes ? « En disant la vérité, tout simplement. Il faut discuter de ces idées et les diffuser », pense-t-elle. Privilégiant l’enseignement (et l’appli cation) de ces thèses à l’école, Mme Clozel ne s’objecte toutefois pas à ce que la psycho pop se les approprie. Elle soupçonne d’ailleurs que ce domaine soit l’objet d’un mépris excessif. « Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus est le seul ouvrage de psycho pop que je cite dans mon livre. Ses bases ne sont pas du tout scientifiques, mais il n’est pas dénué de bon sens. Et si tant de gens l’ont lu, je crois que c’est parce que le discours culturaliste était insatisfaisant. Ça faisait du bien d’entendre : “Vous n’êtes pas fous, c’est vrai qu’un homme ne réagit pas comme une femme.” » L’approche culturaliste reconnaît aussi les différences, précise Mme Clozel, mais suggère qu’on doit lutter pour les aplanir. « C’est vrai en un sens : on ne doit pas baisser les bras. Il ne faut pas hésiter à piquer à l’autre sexe ses trucs et ses forces. Mais pour ça, il faut admettre qu’il en a… Savoir qu’on a des instincts et des tendances, ça nous permet aussi de nous en distancier au besoin. »