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Précarité menstruelle : quand le vert devient égalitaire

Des initiatives d’ici pour réduire la charge environnementale… et financière

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Au Québec, la majorité des initiatives qui sattaquent à la précarité menstruelle ont initialement des motivations environnementales. Quelques associations étudiantes placent en tête de liste l’égalité et la justice sociale, mais elles sont plus rares. Peu importe leurs intentions, les programmes municipaux visent le vert, mais touchent l’égalitaire et font dune pierre deux coups.

« De plus en plus, on a des problèmes dans les usines d’épuration », disait en 2019 à TVA Nouvelles Simon-Olivier Côté, alors président de la Commission du développement durable et de l’environnement de la Ville de Saguenay. À l’époque, sa municipalité venait d’annoncer qu’une partie des frais d’achat des coupes menstruelles, des serviettes hygiéniques et des tampons réutilisables allaient être remboursés par la Ville.

Malgré les rappels et la publication par les villes de listes du type Ce qu’il ne faut pas jeter dans les toilettes, l’utilisation responsable des réseaux d’égout n’est pas encore une pratique citoyenne généralisée. Comme le démontre l’étude Unflushables publiée en 2020, les serviettes et les tampons jetés dans les toilettes sont l’une des causes les plus importantes de blocage des systèmes d’égout.

Selon les calculs du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), les protections menstruelles à usage unique génèrent 2 700 tonnes de déchets par an au Québec.

Moins de déchets, plus d’égalité

L’égalité et la justice sociale, freinées par la précarité menstruelle, sont rarement mentionnées comme étant la motivation principale des administrations qui décident de subventionner les produits menstruels réutilisables. Les enjeux liés à la réduction des déchets et à la gestion des eaux domestiques, qui les concernent directement, priment cette pauvreté genrée.

L’égalité et la justice sociale, freinées par la précarité menstruelle, sont rarement mentionnées comme étant la motivation principale des administrations qui décident de subventionner les produits menstruels réutilisables.

L’environnement était peut-être prioritaire, mais l’aspect égalitaire a aussi fait partie de la réflexion, explique le porte-parole de la Ville de Saguenay, Dominic Arseneau. « Ce sont des produits de première nécessité que la moitié de l’humanité n’a pas le choix d’acheter. Aider des concitoyennes avec ces achats, c’est utile. » Depuis deux ans, Saguenay a accordé 800 remboursements. Dominic Arseneau parle d’un succès tout en soulignant que le programme bénéficierait d’une visibilité accrue.

Au Québec, Boisbriand a lancé le bal en 2017. Depuis, les administrations municipales sont de plus en plus nombreuses à offrir une aide financière pour l’achat de protections à usage multiple. Ainsi, 6 MRC, 33 municipalités et 8 arrondissements de Montréal la proposent. Comme le démontre la récente étude du Conseil du statut de la femme sur l’accès aux produits menstruels, en juin 2021, le quart des Québécoises pouvaient recevoir un remboursement des frais d’achat de produits menstruels réutilisables. Les modalités varient, mais les sommes offertes oscillent entre 50 $ et 150 $ par utilisatrice ou peuvent atteindre 250 $ par famille.

Faire école

Claire Downie

Le Projet d’hygiène menstruelle a vu le jour en 2017. À l’initiative de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM), des tampons et des serviettes hygiéniques jetables sont fournis gratuitement aux étudiantes sur le campus. L’objectif s’inscrit clairement dans une optique de lutte contre la précarité menstruelle : « l’initiative a été adoptée dans le but de réduire le fardeau financier lié à l’utilisation de ces produits, qui peuvent souvent être coûteux », peut-on lire sur le site de l’AÉUM.

Des frais de 2,40 $ par étudiant, par session, permettent de financer l’initiative, qui reçoit un fort appui au sein des membres. Depuis un an, des produits réutilisables sont aussi offerts. « C’est un programme très populaire! Nous devons remplir certains points de distribution plusieurs fois par semaine », souligne Claire Downie, vice-présidente de l’AÉUM.

Si les motivations des municipalités sont d’abord écologiques, à McGill, la lutte contre la pauvreté menstruelle a guidé les actions de l’AÉUM. Au Cégep de Trois-Rivières, c’est un peu des deux.

« Notre réflexion était aussi sociale qu’environnementale », explique celle qui était en 2021 vice-présidente aux affaires environnementales de l’Association générale des étudiants du Cégep de Trois-Rivières (AGECTR). Justine Viviers a eu l’idée d’utiliser le Fonds vert de l’AGECTR pour acheter 420 coupes menstruelles et les distribuer gratuitement aux étudiantes menstruées. Moins de déchets et moins de dépenses pour de jeunes adultes au budget souvent limité.

Bring your own papier de toilette

« On trouverait ridicule de devoir traîner notre propre papier de toilette quand on va à l’école ou au travail. C’est la même chose pour les protections menstruelles, ce n’est pas un choix », illustre Justine Viviers, qui souhaiterait voir tous les établissements québécois d’enseignement fournir ces produits, comme c’est le cas en Colombie-Britannique.

Depuis 2019, les écoles publiques de la province de la côte ouest doivent offrir aux élèves des protections hygiéniques gratuitement, facilement et discrètement dans les toilettes.

Si les coupes menstruelles sont de plus en plus populaires, le fait de laver son réceptacle en silicone dans le lavabo des toilettes publiques n’est pas encore normalisé. Le Fonds pour des initiatives durables de Polytechnique Montréal vient d’investir dans l’installation d’équipements pour le lavage des coupes menstruelles. Directement dans les cabinets de toilette, un petit lavabo muni d’un robinet sans contact permettra à celles qui le souhaitent de rincer leur réceptacle en toute intimité.

Aucune station de lavage du genre ne semble exister sur le marché. Les idéateurs, quatre jeunes bénévoles, tentent donc d’assembler différentes pièces offertes pour en fabriquer une. Un projet pilote sera bientôt lancé à Polytechnique Montréal pour tester l’idée.

Viviane Ung-In, une étudiante en génie chimique qui collabore au projet, souhaiterait que lors de l’aménagement de nouvelles cabines de toilette, on envisage l’installation de stations de lavage de coupes menstruelles. Que ça devienne une espèce de réflexe adapté à nos nouvelles réalités, libérées du tabou social trop longtemps accolé aux menstruations.

Notre collaboratrice Sabrina Myre discute avec l’animatrice Marjorie Champagne de précarité menstruelle, et d’initiatives pour réduire la charge environnementale et financière des produits menstruels.

Écoutez l’intégrale de l’entrevue, diffusée à l’émission Québec, réveille! du mercredi 19 janvier 2022 sur les ondes de CKIA 88.3 FM à Québec.