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Celles qui osent la politique municipale

L’effet Valérie Plante?

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Temps estimé de lecture :5 minutes

Bandeau :Photo : (Wikimedia Commons)

Le 8 mars 2018, six mois après être devenue la première mairesse de Montréal, Valérie Plante déclarait que « le fait d’avoir une femme à la tête d’une métropole démontre aux femmes que toutes les portes leur sont ouvertes et qu’elles peuvent emprunter divers chemins pour s’engager ». Un mandat plus tard, à l’aube des élections municipales du 7 novembre, a-t-elle inspiré ses concitoyennes à faire le saut en politique active?

« Valérie Plante vient d’être élue mairesse de Montréal, allez-vous vous présenter dans quatre ans à la mairie? » C’est la première question que Virginie Proulx s’est fait poser par une journaliste en 2017, tout juste après son élection comme conseillère municipale du Bic. Quatre ans d’expérience politique plus tard, la trentenaire se présente en effet à la mairie de Rimouski. La candidate souligne que l’élection de la première femme à la tête de Montréal a créé un espoir, même à 540 kilomètres de la métropole, au Bas-Saint-Laurent. « Je me suis dit, enfin, les femmes vont prendre davantage leur place en politique municipale. » Et ça semble être le cas. Partout au Québec, elles répondent présentes pour le scrutin de 2021.

Avant même le début officiel des mises en candidature, le 17 septembre dernier, nombreuses étaient celles qui avaient annoncé leur intention d’obtenir les clés de leur ville. Nombreuses et solidaires : sept d’entre elles ont même décidé de se regrouper au sein d’une alliance intermunicipale inédite. Elles ont entre 27 et 39 ans et briguent les mairies de Sherbrooke, Rimouski, Granby, Québec, Gatineau, Matane et Longueuil. Des femmes qui se décrivent comme étant « jeunes, dynamiques, compétentes, expérimentées et engagées », et qui souhaitent mettre de l’avant l’écoute, l’empathie et la transparence.

L’aspirante mairesse de Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, se dit fière de cette solidarité féminine. « On peut échanger sur nos réalités et nous appuyer l’une sur l’autre au besoin », explique celle qui voit en Valérie Plante un exemple de courage et de détermination.

Chacun sa route, chacun son chemin

Tout comme la dynamique politicienne, formée en anthropologie et en muséologie, plusieurs aspirantes mairesses ont des parcours considérés comme atypiques.

« Le sentiment d’imposteur a toujours été plus grand chez les femmes », note Elsie Lefebvre, qui a été conseillère municipale à Montréal de 2009 à 2017. « L’incarnation d’un succès, d’un possible, mise de l’avant par une jeune femme à qui plusieurs peuvent s’identifier, je suis convaincue que ça a inspiré d’autres femmes à travers le Québec à se présenter en politique municipale », ajoute l’analyste politique chez Québecor.

Longtemps, le monde municipal a été associé aux trottoirs, à la voirie et aux vidanges; des affaires de gars qui n’intéressent pas les femmes. Mais de plus en plus, on parle aussi de verdissement, de milieu de vie, d’aménagement. Le discours et la perception changent.

Dans son livre, Simone Simoneau : chronique dune femme en politique, Valérie Plante expose les réalités de la conciliation famille-politique municipale avec de jeunes enfants. Plusieurs citoyennes se sont certainement reconnues dans les responsabilités, la charge mentale et les horaires chargés de son alter ego.

La girl next door, que plusieurs donnaient perdante, a plus d’une fois déjoué les pronostics. Et les victoires improbables, le cinéma nous l’a bien enseigné, marquent davantage les esprits.

« En plus d’être un modèle, elle a beaucoup de visibilité, on la voit fréquemment dans les médias. Elle a sa personnalité, ses manières de faire, elle est inspirante », souligne la directrice générale du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, Esther Lapointe, qui reconnaît un effet Valérie Plante. Un sourire et un rire dont ont abondamment (!) entendu parler les électeur·trice·s de tout le Québec, en raison de l’urbano-centrisme des médias, certes, mais aussi parce qu’elle a fait éclater le plafond de verre en devenant la première femme à diriger Montréal.

Et au-delà de l’expression, qui a fait image et école, briser le plafond de verre, ça change réellement les choses, croit Elsie Lefebvre. Ça ouvre le champ des possibles, notamment pour celles et ceux qui se reconnaissent dans ces trajectoires anticonformistes.

Merci aussi aux antimodèles

Dix ans après le début de la commission Charbonneau, les aspirantes mairesses de 2021 sont à des années-lumière des messieurs aux enveloppes brunes dépeints par la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction.

La surreprésentation en politique municipale « d’hommes d’un certain âge, qui n’ont pas toujours de qualifications ou d’expérience en lien avec le poste d’élu » a été un facteur déterminant pour Annie Veillette. La jeune femme, bien consciente de ses compétences, a été élue conseillère à Matane en 2017. « Si eux y vont, pourquoi pas moi? » s’est dit celle qui brigue en novembre la mairie du chef-lieu de la Matanie.

Longtemps, le monde municipal a été associé aux trottoirs, à la voirie et aux vidanges; des affaires de gars qui n’intéressent pas les femmes. Mais de plus en plus, on parle aussi de verdissement, de milieu de vie, d’aménagement. Le discours et la perception changent.

Quand la voirie devient sexy

« Francine Ruest Jutras a fait beaucoup pour rendre la politique municipale sexy », rappelle Esther Lapointe. L’ancienne mairesse de Drummondville, et la première femme présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), a notamment mis sur pied la Commission Femmes et gouvernance de l’UMQ. Le prix Francine-Ruest-Jutras, qui reconnaît l’excellence et le leadership des femmes sur la scène politique municipale, a d’ailleurs été remis à Valérie Plante cette année.

Mais bien avant qu’elle songe à se lancer en politique, il y a eu du travail en amont pour attirer plus de candidates au municipal. L’UMQ, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation ainsi que d’autres organismes, comme le groupe Femmes, Politique et Démocratie, ont mis sur pied des programmes de recrutement et de formation.

Néanmoins, malgré ces efforts et ces modèles, seulement 32,4 % des personnes élues au municipal en 2017 étaient des femmes. Souhaitons que la progression vers la zone paritaire se poursuive en novembre, et que l’hostilité ambiante envers nos élu·e·s ne décourage pas les Simone Simoneau du Québec à se lancer.