Aller directement au contenu

Janette Bertrand et le rêve d’un monde égalitaire

Entretien entre la célèbre communicatrice et la présidente du Conseil du statut de la femme, Me Louise Cordeau

Date de publication :

Auteur路e :

Temps estimé de lecture :4 minutes

Bandeau :© Alain Lefort (Groupe Librex – Source : Wikimedia Commons)

La Gazette des femmes a voulu connaître le point de vue d’une grande sage sur la pandémie qui secoue la planète. Le 15 mai dernier, Janette Bertrand a partagé sa vision de la situation dans laquelle le Québec est plongé depuis la mi-mars avec la présidente du Conseil du statut de la femme, Me Louise Cordeau.

LC – Que ce soit en matière de répercussions économiques ou de santé, les femmes sont les premières touchées par cette pandémie. Quel regard portez-vous sur ce qu’on vit présentement avec la COVID-19?

Je suis convaincue qu’il faut changer la mentalité des gens sur les vieilles et les vieux. Notre société les jette comme on jette les toasters au lieu de les faire réparer. Ces personnes ne comptent pas. Elles sont invisibles. Ce qui arrive en CHSLD n’est-il pas une preuve de cela?

Pourquoi, à la télévision, on ne voit pas plus de femmes ridées? Dès qu’on a plus de 70 ans, on est considéré comme ne sachant plus rien faire. Qui demande des conseils aux personnes aîné·e·s? Personne.

Dans le cadre de mon projet Écrire sa vie!, on me reproche de dire que je suis vieille. On me demande : « Ne dites pas ça, que vous êtes vieille. » Pourquoi le mot vieille ne serait-il pas un bon mot? C’est ce qu’on est!

Grâce à ce projet, des milliers de personnes sont en train d’écrire leur vie. Je leur dis tout le temps : « Vous êtes importants et importantes. » Changer les mentalités, c’est un travail de longue haleine.

LC – Est-ce que la pandémie va nous apprendre à penser davantage aux autres? Peut-on espérer qu’elle nous mènera à une société plus égalitaire?

Oui! Mais seulement si l’on éduque nos petits et grands garçons à l’égalité. Il faut faire comprendre aux hommes les avantages d’une société égalitaire. D’ailleurs, c’est un peu le propos de mon prochain roman, Un viol ordinaire.

Il faut faire comprendre aux hommes les avantages d’une société égalitaire.

Ce que je veux qu’on retienne, c’est que l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est agréable! Plus près de moi, je peux témoigner du fait que mes petits-fils découvrent la paternité et qu’ils adorent ça.

Je rêve d’un monde égalitaire. C’est une idée qui m’anime depuis toujours.

LC – Comment le voyez-vous, ce monde égalitaire?

Un monde en rupture avec le patriarcat, qui favorise le respect de l’autre et où le pouvoir se partage aussi bien que les tâches ménagères. Un monde juste.

LC – Votre sixième arrière-petite-fille est née pendant le confinement. Quel monde aimeriez-vous pour Charlie?

Je voudrais ce monde égalitaire ou en voie de l’être. C’est possible de vivre dans une égalité totale. Et c’est extraordinaire, je le vis avec mon conjoint depuis plus de 30 ans!

LC – Avez-vous l’impression que notre société a évolué dans ce sens?

Les femmes, on a changé. Pas sûre que les hommes l’ont fait. Ça leur enlèverait des privilèges. Admettre que l’autre peut avoir autant de talent, de personnalité, de force, etc., que toi… C’est difficile à accepter.

Mais il y a de plus en plus d’hommes que la chape de plomb de la virilité fatigue. Je les sens sur le point de se remettre en question.

En collaboration avec le programme AvantÂge de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Janette Bertrand a créé une série de capsules vidéo afin de guider les gens dans la rédaction de leur histoire de vie. Filmés chez elle pendant le confinement, ces ateliers sur l’écriture autobiographique ont été diffusés en ligne et sur la chaîne MAtv pendant le mois de mai 2020.

Née le 25 mars 1925 à Montréal, Janette Bertrand a été tour à tour journaliste, comédienne, autrice et dramaturge. Féministe des premières heures et communicatrice extraordinaire, elle a profondément marqué le journalisme et la télévision au Québec. Son style inimitable, caractérisé par la franchise et la sincérité, lui a permis d’aborder des sujets à dimension sociale peu traités dans les médias et de faire tomber les préjugés. Récompensée par de nombreux prix et décorations, Janette Bertrand a reçu l’Ordre du Canada (O.C.) et l’Ordre national du Québec (O.Q.), les deux plus hautes distinctions au pays.