Aller directement au contenu

Pionnières d’aujourd’hui : des étoiles symphoniques

Dina Gilbert, cheffe d’orchestre et Laurie Rousseau-Nepton, astrophysicienne!

Date de publication :

Auteur路e :

Bandeau :Photo principale : Dina Gilbert. © Sasha Onyshchenko. Illustration : Isabelle Gagné

Pionnier. Personne qui défriche des territoires inhabités, qui ouvre des voies nouvelles. En , ce mot prend toute la force de son sens, surtout si on le féminise. Pionnière. Bien que les femmes aient investi de nombreux domaines dans les dernières décennies, elles sont encore minoritaires dans plusieurs sphères comme la politique, la science ou encore la musique. Heureusement, des courageuses, des fonceuses, des exploratrices s’affairent à débroussailler le chemin pour les femmes d’aujourd’hui et celles de demain. À contre-courant et devant l’adversité, elles impressionnent et prospèrent. Rencontre avec deux d’entre elles.

Dina Gilbert, cheffe d’orchestre et cheffe attitrée de l’orchestre des Grands Ballets canadiens de Montréal…

… et pas que! La jeune femme est également cheffe et directrice artistique de l’Orchestre symphonique de l’Estuaire et directrice musicale de Kamloops Symphony Orchestra, en Colombie-Britannique. Une feuille de route plus qu’impressionnante, sans compter qu’elle a été première assistante à l’Orchestre symphonique de Montréal de à , aux côtés du maestro Kent Nagano. C’est d’ailleurs cette nomination qui l’a fait connaître du grand public. Depuis, Dina Gilbert cumule les occasions de faire valoir son talent et son savoir-faire un peu partout sur la planète, de Barcelone jusqu’au Japon.

Est-on surpris, ici et ailleurs, de voir une cheffe diriger des musiciens? « Ça arrive! Je sens que quelques esprits prennent du temps avant de réaliser qu’ils s’adressent à la cheffe. Heureusement, au Canada et aux États-Unis, c’est peu fréquent. » Exercer son métier avec cœur et passion permet, selon elle, de briser des stéréotypes et d’inspirer des jeunes à prendre les commandes – ou la baguette! « Lorsque je travaille auprès des enfants, leurs perceptions de la direction d’orchestre s’en trouvent changées; ils ne s’imaginent plus qu’un chef d’orchestre est invariablement un homme. Ça peut être n’importe qui. Même eux, mêmes elles! »

La cheffe d’orchestre avoue s’être toujours sentie respectée par ses pairs, même si le milieu de la direction d’orchestre est essentiellement masculin. « Il existe encore, bien entendu, des biais inconscients – comme dans tant d’autres sphères de la société. Il y a du chemin à faire, mais l’égalité entre les sexes n’est même pas un sujet qu’on a abordé au courant de mes études. On était plus de femmes que d’hommes sur les bancs d’école! »

« On me pose des questions sur mon intimité, sur la manière dont je concilie ma vie professionnelle et ma carrière. On ne s’intéresse pourtant pas autant à la vie personnelle de mes collègues masculins… »

– Dina Gilbert

Cependant, elle a remarqué une différence dans le traitement médiatique de son travail, notamment lorsque les journaux ont rapporté sa nomination à l’OSM. « On me pose des questions sur mon intimité, sur la manière dont je concilie ma vie professionnelle et ma carrière. On ne s’intéresse pourtant pas autant à la vie personnelle de mes collègues masculins… »

Dina Gilbert, dont la précision et le leadership ont de nombreuses fois été acclamés par les critiques, croit que le travail des chef·fe·s d’orchestre est sous-estimé. « C’est un métier plus créatif qu’on ne le pense. Être devant l’orchestre, devant le public, dans le moment présent, c’est 10 % de l’effort. Le reste, c’est un travail de réflexion, d’étude, d’approfondissement des œuvres. Le chef d’orchestre est au service du compositeur. »

Lorsqu’elle parle de son métier, la passion de celle qui travaille à développer sa carrière sur la scène internationale est palpable et contagieuse… et c’est exactement ce qu’elle recherche! « Pour moi, la musique classique est toujours à réinventer, à se réapproprier. C’est une œuvre qui n’est jamais achevée. » Et c’est tant mieux, pour la carrière de la cheffe comme pour nos oreilles.

Laurie Rousseau-Nepton, astrophysicienne et résidente astronome à l’Observatoire Canada-France-Hawaï

Le parcours de Laurie Rousseau-Nepton suscite l’admiration. Elle est la première femme autochtone à décrocher un doctorat en astrophysique. Elle a cocréé, avec son équipe de l’Université Laval, l’instrument SITELLE qui permet de décomposer et d’analyser la lumière des étoiles. Un outil précieux qui contribue à approfondir les connaissances scientifiques sur la formation des galaxies et l’évolution de l’univers. Aujourd’hui, elle est résidente astronome à l’Observatoire Canada-France-Hawaï, où elle met à profit son savoir-faire hautement spécialisé.

Photographie de Laurie Rousseau-Nepton.

Laurie Rousseau-Nepton

« L’une de mes fonctions est d’assister la communauté astronomique en tant qu’experte du fonctionnement du télescope et de SITELLE. Je donne un coup de main à mes collègues dans leurs propres recherches, tout en poursuivant les miennes. »

La chercheure travaille aussi avec les ingénieur·es afin d’améliorer la performance des différents instruments et, de ce fait, la qualité des données recueillies. Elle a aussi à cœur de transmettre sa passion aux jeunes femmes, notamment dans les communautés autochtones.

« Environ 10 % de mon temps est consacré à des projets et des présentations qui visent à intéresser les jeunes à la science, à les encourager à développer leur curiosité et à croire en leurs capacités. »

Laurie Rousseau-Nepton admet qu‘il est encore difficile pour une femme de faire sa place dans son domaine, toujours majoritairement masculin. « Quand j’ai fait mon entrée dans cet univers, je n’étais pas au courant des défis qui m’attendaient et j’ai heurté un mur lorsque j’ai réalisé qu’en tant que minorité, en tant que femme, j’étais traitée différemment de mes pairs. C’est d’autant plus frustrant que les gens qui ne vivent pas cette réalité ne perçoivent souvent pas ce traitement différent. L’injustice vient avec son lot d’isolement. »

Selon elle, les femmes doivent travailler fort pour prouver qu’elles méritent leur place dans le milieu. « Les dynamiques sont encore ancrées dans de vieux systèmes de valeurs et ça se manifeste de plusieurs façons. » Heureusement, peu à peu, des mesures sont prises pour contrer les biais sociaux sexistes présents en astrophysique comme dans bon nombre d’autres sphères scientifiques. « Des études ont démontré qu’on allouait plus de temps d’accès aux télescopes à des projets menés par des hommes. Pour contrer la discrimination, les demandes sont maintenant anonymes. Et ça fonctionne! »

Aujourd’hui, la scientifique se sent reconnue par ses collègues. « J’aime croire que je suis arrivée à un stade où mes capacités ne sont plus mises en doute. Grâce à mes projets, résultats de recherche et prix de reconnaissance, on me considère comme une experte établie dans mon domaine. Mais sans ces preuves et ces mentions, c’est difficile pour les femmes de faire leur marque. C’est un combat. » Laurie Rousseau-Nepton profite maintenant de ses acquis pour partager sa passion et sa curiosité, et pour pousser ses recherches plus loin. « Mon aventure scientifique est sans fin… et c’est tant mieux! »