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La construction, toujours une affaire d’hommes?

Une grutière et un grutier d’expérience nous racontent

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D’hier à aujourd’hui, la construction est une affaire d’hommes. Les préjugés sont tenaces et plusieurs considèrent toujours les professions de chantier comme des « jobs de gars ». Malgré tout, les femmes investissent le milieu, lentement mais sûrement. Pour discuter de ce changement qui s’opère sur les chantiers, nous avons rencontré une travailleuse et un travailleur d’expérience : Valérie, grutière depuis une douzaine d’années, et Vincent, grutier depuis plus de 40 ans. Entrevue croisée avec deux professionnel·le·s des hauteurs!

Pour lire la première partie du texte

D’après vous, pourquoi pense-t-on encore que votre métier est un « métier d’homme »?

(Valérie) C’est parce qu’on en parle toujours comme d’un métier non traditionnel! Il faut normaliser ce choix. C’est vrai que, sur certains chantiers, c’est encore assez difficile pour les femmes – ça joue souvent rough! –, mais ce n’est pas comme ça partout. Le monde a changé et les femmes ont réellement leur place dans le métier, aujourd’hui.

(Vincent) Auparavant, les grues étaient vraiment plus difficiles à manœuvrer. Ça prenait une grande force physique, c’était inconfortable, il faisait froid… C’était peu invitant pour les femmes – et les gens auraient été vraiment surpris si une femme avait voulu devenir opératrice de grue! Aujourd’hui, avec les avancées technologiques, c’est différent.

Selon vos observations, les grutières sont-elles traitées différemment des grutiers sur les chantiers?

(Valérie) Oui, assurément. Dans les gros projets, surtout. Les comportements inacceptables sont moins pris au sérieux, ils passent entre les craques. Il y a encore de la violence verbale et physique sur les chantiers, et les plaintes ne sont pas toujours prises au sérieux. Pour se faire une place dans le domaine en tant que femme, je ne cacherai pas qu’il faut savoir se construire une carapace. Il faut encore aujourd’hui parler fort, se défendre, ne pas se laisser manger la laine sur le dos. Avoir du « torque », comme on dit!

Les mentalités évoluent lentement, et on a besoin de plus de femmes au travail dans l’industrie pour faire avancer les choses. On doit donc rendre ce métier méconnu plus attirant, tant pour les jeunes que pour celles qui sont en réorientation de carrière. C’est une super job!

– Valérie

(Vincent) Pas si elles ont les mêmes compétences que les hommes! Si elles sont à la hauteur, elles sont traitées en égales, selon mes observations. Je dirais même que les travailleurs sont souvent galants avec elles; ils vont les aider si elles soulèvent quelque chose de lourd, par exemple. C’est certain qu’auparavant, le sexisme était bien présent. On n’a qu’à penser aux photos de femmes presque nues qui étaient accrochées un peu partout! Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. Les mentalités – tout comme la job, qui est beaucoup plus sécuritaire – ont évolué. Sur les chantiers, ce ne sont plus les bûcherons d’autrefois! (Rires.)

Croyez-vous qu’il est difficile pour une femme d’investir la profession?

(Valérie) Oui. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de recrues qui abandonnent en cours de route. En tant que femme, on n’a pas droit à l’erreur. Même si on donne notre 100 %, qu’on est orgueilleuses, qu’on veut prouver qu’on est capables… Il faut qu’on travaille deux fois plus fort pour montrer à nos pairs qu’on est bel et bien à notre place.

(Vincent) Non. C’est accessible à toutes les personnes qui ont du cœur à l’ouvrage, qui sont persévérantes, et qui ont du talent. Ce sont des conditions de travail assez difficiles : c’est solitaire, il fait froid en hiver. Ça peut en rebuter plusieurs, hommes ou femmes. Et, clairement, lorsque vient le temps de fonder une famille, les longues heures peuvent peser lourd dans la balance.

Y aurait-il, à votre avis, un moyen pour attirer plus de femmes dans le domaine de la grue?

(Valérie) Il faut en parler davantage! Dans les médias, dans les cours d’orientation, dans les écoles… Il faut montrer aux femmes que c’est un domaine dans lequel elles peuvent avoir du succès. Le sexisme, le racisme, ça existe un peu partout : il y aura toujours des nonos quelque part! Mais ce n’est pas une raison pour elles de se priver complètement des métiers de la construction. Les mentalités évoluent lentement, et on a besoin de plus de femmes dans l’industrie pour faire avancer les choses. On doit donc rendre ce métier méconnu plus attirant, tant pour les jeunes que pour celles qui sont en réorientation de carrière. C’est une super job!

Il y a une méconnaissance du milieu, alors il faut tout d’abord attiser leur curiosité pour qu’elles cherchent à en savoir plus. Je pense que l’industrie est prête à les accueillir. On a fait du chemin, et, surtout, on manque de main-d’œuvre! Il y a de la place pour elles.

– Vincent

(Vincent) Les journées portes ouvertes! Il y a une méconnaissance du milieu, alors il faut tout d’abord attiser leur curiosité pour qu’elles cherchent à en savoir plus. Je pense que l’industrie est prête à les accueillir. On a fait du chemin, et, surtout, on manque de main-d’œuvre! Il y a de la place pour elles, il faut seulement que les femmes osent, qu’elles fassent le premier pas, et qu’elles travaillent fort, comme toutes les personnes qui veulent entrer dans le domaine de la construction.

Selon vous, comment le domaine pourrait-il bénéficier de l’apport des travailleuses?

(Valérie) Quand une femme fait son entrée sur un chantier, la dynamique change. Les gars se… calment. Ils font plus attention à ce qu’ils disent, à ce qu’ils font. Et tout le monde bénéficie de cette ambiance de travail plus respectueuse! Les femmes ont aussi la réputation d’être des grutières très minutieuses, précises, et de bien savoir gérer les projets. Ce sont des atouts pour les employeurs!

(Vincent) L’industrie va changer au fur et à mesure que les femmes l’investiront. C’est impossible de transformer le milieu sans en faire partie! Les travailleuses doivent mettre leurs préjugés de côté et faire leur place. Je pense qu’elles ont l’impression que c’est pire que dans la réalité, sur les chantiers… mais ça évolue rapidement! Et ça évoluera encore plus rapidement lorsqu’elles rejoindront nos rangs. On les attend à bras ouverts!

* * *

Les femmes ont travaillé d’arrache-pied pour se faire une place dans le métier. C’est ce qu’expliquent notre grutière et notre grutier d’expérience. Et encore, rien n’est facile. Mais Valérie et Vincent s’entendent pour dire que le milieu est prêt, plus que jamais, à accueillir sur les chantiers des femmes compétentes et motivées. Leur message aux intéressées? Foncez!