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Science et technologie : les femmes s’en mêlent ! Partie 1

Six actions à entreprendre pour mieux intégrer les femmes et les filles dans ces domaines hautement masculins

Date de publication :

Depuis le 8 mars 2018, soit la Journée internationale pour les droits des femmes, le New York Times s’est donné le mandat de rééquilibrer sa section nécrologique rendant hommage aux personnes remarquables, qui était, depuis 1851, majoritairement occupée par des hommes blancs. Dans un site spécial nommé Overlooked1, le quotidien met de l’avant, à raison d’une fois par semaine, des femmes extraordinaires qui ont marqué l’histoire, dont plusieurs scientifiques et pionnières de la technologie. Parmi elles, Ada Lovelace (mathématicienne), Yamei Kin (médecin et nutritionniste), Karen Spark Jones (scientifique et chercheuse en informatique), pour ne nommer que celles-là. Une excellente initiative qui remet les pendules à l’heure concernant l’implication des femmes dans divers domaines qui ont fait avancer les sociétés. Car il faut le dire : depuis longtemps, les femmes s’intéressent à la science et à la technologie et, sans surprise, elles y excellent! Elles en ont, du talent et certainement pas moins que les hommes, même si plusieurs pensent encore le contraire. Citons Tim Hunt, prix Nobel de médecine (2001), qui, en 2015, a affirmé que les femmes étaient « une distraction » dans un labo, car « on tombe amoureux d’elles, elles de vous et après elles pleurent quand vous les critiquez ». Ce à quoi des dizaines de femmes scientifiques ont répliqué en utilisant le mot-clic #DistractinglySexy (« distrayantes car sexy »), accompagné de phrases cinglantes et de photos qui les montrent en action dans leur laboratoire ou sur leur terrain de recherche2. Ambitieuses, brillantes ET drôles.

Qualités qu’on peut tout à fait attribuer à deux femmes qui brassent pas mal d’affaires dans les milieux scientifiques et technologiques depuis quelques années : Cassie L. Rhéaume (directrice générale chez Lighthouse Labs Montréal) et Marianne Desautels-Marissal (journaliste scientifique indépendante). Ces deux anticonformistes ont défoncé des portes dans des disciplines à prédominance masculine et nous montrent que les femmes peuvent tout autant (sinon plus!) se réaliser dans ces domaines. Mais s’il faut se battre pour faire sa place, pas étonnant que peu de femmes se dirigent d’emblée vers ces champs d’activité!

Alors, comment faire pour intéresser et intégrer les filles et les femmes aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques (STIM)? Cassie L. Rhéaume et Marianne Desautels-Marissal ne manquent pas d’idées et nous offrent leur point de vue sur le sujet. Résumé en six actions incontournables.

1. Donner la piqûre, le plus tôt possible

Cassie L. Rhéaume, directrice générale chez Lighthouse Labs Montréal

« On doit initier nos filles, nos jeunes, dès le plus jeune âge. La curiosité, ça se développe jeune et ça s’entretient. Découvrir qu’on peut tout faire avec la technologie quand on est petit·e, avec la créativité et l’inventivité qu’on a à cet âge, ne peut qu’aider à attraper la piqûre. »

— Cassie L. Rhéaume, directrice générale chez Lighthouse Labs Montréal

Marianne Desautels-Marissal, journaliste scientifique indépendante

« Il faut intégrer davantage les sciences dès la petite école et présenter plus de modèles féminins aux jeunes filles afin qu’elles puissent se projeter dans ces carrières. »

— Marianne Desautels-Marissal, journaliste scientifique indépendante

Le contact avec les sciences et la technologie s’est fait à des âges différents pour Marianne et Cassie, mais c’est en plongeant le nez dedans qu’elles ont compris les multiples possibilités qui s’offraient à elles.

Du côté de Marianne, c’est son père qui, sans le savoir, formait déjà une petite scientifique en herbe. « Il avait toujours son appareil photo au cou, l’œil bien ouvert. Il utilisait une grosse loupe pour observer les bestioles dans ses plantes et je m’amusais à grossir la moindre petite chose qui me passait sous le nez. La fin de semaine, on fréquentait le Planétarium, et il m’a offert un microscope quand j’avais sept ou huit ans. Les Débrouillards et Découverte ont scellé le tout. »

Quant à Cassie, ce fut plus intuitif. Ses études en communication ont été un déclencheur. « J’ai découvert à quel point la technologie était un puissant vecteur d’idées et de convictions. C’était soudainement bien clair que, pour être utile et prendre part à l’univers du changement, je devais apprendre à programmer. »

2. Offrir des modèles féminins positifs

Se lancer dans la science et la technologie n’est pas juste une question de curiosité. Il faut une volonté de changer les choses. Mais qu’est-ce qui fait qu’une jeune fille peut se dire un jour : moi, je crois que je peux apporter une perspective nouvelle à ce domaine ? Qu’est-ce qui peut donner cet élan ? Marianne le disait plus tôt : la présence de modèles féminins a une grande influence!

Elle l’expérimente d’ailleurs elle-même en animant les capsules vidéo de Pourquoi ?, une websérie de vulgarisation scientifique à Télé-Québec3.

« Peu de femmes font ce genre de communication pour les jeunes. J’aimerais transmettre l’idée que les filles peuvent parler de science, que c’est l’fun et drôle. Peut-être que ça peut inciter certaines à s’intéresser à ces domaines. » – Marianne

Et des femmes passionnées, il y en a des tas!

« Il faut mettre de l’avant nos femmes de science : les médiatiser, démystifier leurs carrières, leurs parcours, leurs réussites, leurs défis. Les filles doivent apprendre d’elles et se projeter dans ces rôles. Apprendre à être braves et à foncer. Comme les entrepreneures québécoises, qui sont souvent de beaux exemples de responsabilité sociale. Pensons à Catherine Légaré d’Academos, à Éléonore Jarry-Ferron de Front Row Ventures ou encore à Elizabeth Stefanka de Stefanka Technologies. Les femmes qui entreprennent veulent bâtir différemment, pour le bien commun, et elles réussissent très bien. Elles ont osé et se sont mises dans une position risquée pour réaliser ce qui leur tenait à cœur. » – Cassie

Des exemples de pionnières à connaître absolument?

« Radia Perlman. Elle fait partie de l’Internet Hall of Fame, c’est-à-dire qu’elle était du maigre nombre de femmes qui ont contribué à créer l’Internet. Son histoire est remarquable. Elle valorisait l’éducation et a consacré beaucoup de son temps à partager ses connaissances et à développer des façons d’initier les enfants de trois à cinq ans à la programmation! On l’a souvent appelée “la mère d’Internet”, même si elle n’aimait pas ça. À ses yeux, c’était avant tout un colossal travail d’équipe. » – Cassie

« Marcelle Gauvreau, la première Québécoise à avoir décroché un diplôme de maîtrise en sciences. Elle est souvent décrite comme étant juste l’assistante ou la secrétaire du frère Marie-Victorin. J’aime rappeler son dévouement pour la recherche en botanique et pour la communication scientifique, notamment auprès des enfants. Pour moi, elle est le symbole de tous ces gens qui s’impliquent dans les milieux communautaires ou encore des technicien·ne·s qui sont indispensables à la recherche, mais qui restent toujours dans l’ombre. » – Marianne

3. Réduire les écarts entre les hommes et les femmes

C’est bien beau de vouloir promouvoir des modèles féminins positifs, mais si les processus décisionnels et les grands changements scientifiques et technologiques se font sans elles, on ne sera pas vraiment plus avancé·e·s. Alors il faut rééquilibrer le tout, selon nos deux fonceuses.

« À l’heure actuelle et depuis beaucoup trop longtemps, une poignée d’hommes blancs décident pour nous. C’est un grand risque, car les chances que leurs choix soient adaptés à nos réalités [NDLR : de femmes] sont minces. Nous devons être partie prenante de ces milieux pour créer un monde meilleur, plus adéquat, plus inclusif. Et c’est un secteur lucratif. C’est donc une question de justice économique que les femmes puissent profiter de cette ruée technologique. » – Cassie

« Tout comme en recherche, la communication scientifique a longtemps été dominée par les hommes. Même si beaucoup des têtes d’affiche sont encore masculines, la situation continue d’évoluer et ça me réjouit, comme de voir poindre une nouvelle génération de communicateurs et de communicatrices qui montrent que la science n’est pas nécessairement ringarde! » – Marianne

Travailler dans les STIM, ça rapporte gros!

Saviez-vous qu’il y a de grands avantages à joindre le merveilleux monde des sciences et des technologies? Marianne nous en donne un aperçu :

  • Ce sont de bons emplois : ils sont diversifiés, créatifs (oui oui!) et payants.
  • Les salaires en STIM sont en moyenne 12 % plus élevés que dans les autres domaines.
  • Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), en augmentant le niveau d’emploi des femmes, la croissance économique s’accélère. Un exemple : la Norvège. La participation croissante des femmes au marché du travail durant les 40 dernières années aurait eu un impact plus important sur le PIB que l’industrie pétrolière!
  • C’est prouvé : une mixité accrue dans les équipes de recherche bonifie les performances du groupe. La créativité, la productivité et le rendement organisationnel s’améliorent.

Bref, que des bonnes nouvelles!

Pour lire la deuxième partie du texte.

Myriam Daguzan Bernier est autrice de Tout nu! Le dictionnaire bienveillant de la sexualité (Éditions Cardinal, ), créatrice du blogue La tête dans le cul, collaboratrice à Moteur de recherche sur ICI Radio-Canada Première et journaliste indépendante. Elle est également formatrice et spécialiste Web et médias sociaux à l’INIS (Institut national de l’image et du son). Actuellement aux études à temps plein en sexologie à l’Université du Québec à Montréal, elle prévoit devenir, dans un avenir rapproché, une sexologue misant sur une approche humaine, féministe et inclusive.