Aller directement au contenu

The Womanhood Project : être femme, en mille variantes

Un projet photo-portrait qui casse le moule du « être femme ».

Date de publication :

Auteur路e :

Par des séries de photos et de textes-portraits, Sara Hini et Cassandra Cacheiro explorent les multiples déclinaisons de ce que signifie être femme. De façon intimiste, elles abordent des sujets complexes ou tabous : viol, maladie mentale, menstruations, poids, avortement… Au cœur du propos, la relation des femmes à leur corps et l’acceptation de soi.

Les photos du Womanhood Project laissent transpercer une sobre délicatesse en même temps qu’une force tranquille. Dans leur chambre, sur leur balcon, des femmes dénudées ont été photographiées sans mise en scène, sans prendre la pose. En parallèle à chaque série de photos, un portrait dans lequel la modèle se révèle souvent encore plus par les mots que par l’image. Avec sensibilité et ouverture, elle y raconte une agression qu’elle a subie, les commentaires difficiles qu’elle doit endurer à propos de son corps au genre diffus, ses efforts pour aimer de nouveau son physique après son accouchement.

Dans un monde d’images irréalistes et hyper léchées, où la superficialité prédomine, cette authenticité pure fait un bien fou.

« On était frustrées de toujours voir le même contenu visuel et on voulait pallier ce manque de diversité flagrant », racontent les cofondatrices du Womanhood Project, Sara Hini et Cassandra Cacheiro – la première est directrice artistique, la seconde, photographe. « Plus localement, on avait l’impression qu’à Montréal, on était encore trop frileux concernant des sujets encore tabous entourant le corps de la femme. Avec ce projet, on parle donc ouvertement de viol, de poil, de maladie mentale, de cancer, de poids… Le tout en promouvant la diversité (âge, physique, couleur de peau, style de vie…). »

L’écart par rapport aux diktats de la beauté se révèle ici dans un bourrelet, là dans des seins qui pendent, là encore dans des aisselles velues bien en évidence, et toujours avec respect, dans une perspective de réappropriation et d’acceptation.

Se mettre à nu

Pas évident pour les non-initiées de poser nues, on le comprendra. Mais au-delà de cette mise à nu littérale, il y a aussi celle, métaphorique, qui passe par des révélations dont on devine qu’elles ont été difficiles à coucher sur papier pour les participantes.

« Écrire le texte a sûrement été beaucoup plus demandant pour certaines que prendre part à la séance photo, car beaucoup d’entre elles ont vécu des expériences traumatisantes ou de grands changements. Elles ont décidé de faire partager leur vécu avec des lecteurs inconnus, et même avec des membres de leur entourage immédiat qui n’étaient pas au courant de leur situation. Ça demande énormément de courage. »

Quand on lit ces phrases-chocs d’Alex, 23 ans, on saisit le mal de vivre qui ressurgit parfois malgré les efforts pour s’aimer, et s’accepter : « Je me suis sentie trahie par mon poids et ses formes exagérées. Une féminité imposée qu’aucun miroir ne me permettait de fuir. Ça m’arrive encore de me demander quel genre de personne pourrait bien vouloir de moi. »

Laïma, 28 ans, qui a mis beaucoup de temps à réapprendre à marcher après s’être fait frapper à vélo par un camion, explique comment sa participation au Womanhood Project fait partie d’un processus de réappropriation de son corps : « J’ai voulu dévoiler mon corps-combat parce que c’est le mien et que j’apprivoise sa complexité, sa force et sa fragilité. Au-delà des drames qui laissent des marques, des tragédies qui font mal, des larmes qui coulent longtemps, mon corps EST, tout simplement. Et le voilà. »

Sans filtre

En plus de promouvoir la diversité et de favoriser un processus de libération, les deux filles derrière le Womanhood Project souhaitent montrer les choses comme elles le sont vraiment. Les menstruations, par exemple, font l’objet d’une série de photos, où on voit notamment une jeune femme agenouillée dans la baignoire, déversant le contenu de sa coupe menstruelle. L’objectif étant de briser les tabous autour de ce phénomène pourtant naturel qui est encore vécu dans le secret, voire de façon honteuse.

« On espère normaliser des choses qu’on ne voit pas d’habitude sur Internet ou dans des séances photo : le poil, le sang menstruel, les vergetures, expliquent les cofondatrices. Être femme en 2017 est tellement plus complexe qu’on pense, mais aussi extrêmement magnifique. Pour s’en rendre compte, il faut être capable d’en discuter ouvertement, sans idées préconçues. »

On les remercie de contribuer à cette noble cause.

En complément d’info

  • Pour voir les photos et lire les portraits du Womanhood Project, c’est par ici.
  • Pour soumettre un projet en vue de la deuxième édition : info@ayemag.com