Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, les blogues : grâce aux nouvelles technologies et aux médias sociaux, le féminisme occupe l’avant-scène comme jamais dans les 20 dernières années. Ces plateformes font d’une pierre deux coups : elles donnent la parole – une parole libre, de surcroît – à des auteures et artistes qui autrement demeureraient peut-être silencieuses, et permettent à tout le monde d’avoir accès à du contenu créatif, original et gratuit!

« [Internet], c’est comme un couteau à double tranchant. D’un côté, on a la liberté de dire pas mal de choses, de l’autre, on reçoit des commentaires qui peuvent être positifs ou vraiment négatifs. Savoir jongler avec ça, c’est difficile. »
Qu’elles s’expriment par l’image, les mots, au micro ou devant une caméra, les féministes assumées et fières de l’être bénéficient de beaucoup d’avantages en investissant Internet. Le premier : une latitude qui n’a rien à voir avec le cadre strict des médias traditionnels ou des commandes de leurs clients.
« Contrairement aux magazines, et cela dit en tout respect, je crois qu’on touche plus directement les femmes, et surtout qu’on est vraiment accessibles »
, affirme Josiane Stratis, rédactrice en chef de Ton petit look et TPL Moms, des blogues réunissant des textes au ton frais sur la mode, le lifestyle et la maternité. « Je pense qu’on a le pouvoir de changer la perception des gens sur un paquet de sujets parce qu’on prend le temps (et l’espace) pour parler d’un peu tout de façon casual »
, ajoute celle qui souhaite avant tout, dans ses textes, rappeler aux femmes qu’elles ont le droit d’être.
L’illustratrice et auteure Maude Bergeron voit son site Web comme un espace de précieuse liberté. « J’ai d’abord créé Les Folies passagères pour communiquer mes idées et mes opinions librement. Mon site me permet de partager tout ce que je souhaite, sans être victime de censure comme sur certains réseaux sociaux. Et ça me plaît de gérer ce que je partage, et à quelle fréquence je le fais »
, dit celle dont les œuvres touchent d’abord l’être humain, mais qui aime aborder des sujets considérés comme tabous (menstruations, pilosité, sexualité, orgasme féminin, maladie mentale) pour briser les idées préconçues.

« Mon site me permet de partager tout ce que je souhaite, sans être victime de censure comme sur certains réseaux sociaux. Et ça me plaît de gérer ce que je partage, et à quelle fréquence je le fais. »
« C’est beaucoup plus facile d’être travailleuse autonome grâce à Internet, enchaîne Mathilde G. Corbeil, illustratrice qui a entre autres réalisé le générique de la websérie Les Brutes et apporté sa touche à l’ouvrage Les superbes. Plus besoin de présenter notre portfolio et de travailler pour une agence. Les gens passent directement par moi pour me contacter, souvent après avoir vu mon travail sur Instagram, où tout repose beaucoup sur la popularité. Le client se dit : “Ah, 5 000 personnes la suivent, donc on va l’embaucher car elle doit être populaire.” »
Une visibilité qui lui permet, oui, de trouver des clients, mais aussi de diffuser au plus grand nombre son message d’égalité des sexes et de promotion de la liberté du corps.
Public sans limites
Autre atout des nouvelles technos : le public que les féministes atteignent est beaucoup plus vaste, sans contrainte de territoire.
« À l’exception de mes proches et de mes connaissances, j’atteins l’entièreté de mon public par mon site Web et mes réseaux sociaux »
, affirme Maude Bergeron, qui se fait un honneur de promouvoir la diversité (corporelle, raciale ou autre). Sa collègue illustratrice Mathilde G. Corbeil souligne quant à elle l’extrême efficacité d’Instagram : « Mes œuvres s’immiscent dans un melting pot d’infos, les abonnés voient les images sans avoir fait de recherche pour les trouver. C’est une vitrine incroyable! »

« [Sur Instagram], mes œuvres s’immiscent dans un melting pot d’infos, les abonnés voient les images sans avoir fait de recherche pour les trouver. C’est une vitrine incroyable! »
Les artisanes et artisans de la radio bénéficient aussi de la diffusion Web de leurs émissions, qui décuple le bassin d’auditeurs. Eugénie Lépine-Blondeau et Coppélia Laroche-Francoeur, qui animent l’émission féministe Les dessous féminins à la station montréalaise CISM, en témoignent : « C’est souvent difficile de s’arrêter durant une heure et demie pour écouter une émission au moment de sa diffusion radio. Puisque les épisodes des Dessous féminins sont disponibles sur Internet en tout temps, les gens peuvent les écouter quand bon leur semble. »

« On se sert [des médias sociaux] pour parler du contenu de notre émission, mais aussi pour partager des articles, des vidéos ou des images qui s’inscrivent dans notre vision du féminisme. […] Grâce à Facebook, Twitter et Instagram, Les dessous féminins est maintenant aussi un véhicule d’informations pour l’actualité féministe. »
Si elles apprécient le gain de flexibilité qu’apporte la diffusion Web, elles se disent extrêmement redevables aux réseaux sociaux dans l’élargissement de leur public. « On s’en sert pour parler du contenu de notre émission, mais aussi pour partager des articles, des vidéos ou des images qui s’inscrivent dans notre vision du féminisme. Les gens les partagent, les aiment, les commentent; certains nous envoient aussi du contenu à partager durant l’émission. Ça crée un lien de proximité incroyable! Pour nous, c’est super motivant d’avoir des commentaires. Grâce à Facebook, Twitter et Instagram, Les dessous féminins est maintenant aussi un véhicule d’informations pour l’actualité féministe »
, disent celles qui encouragent les femmes à avoir confiance en elles, à être solidaires et fières de leurs succès.
Pas tout rose
Évidemment, Internet n’apporte pas que joie et bonheur, comme le souligne Josiane Stratis. « C’est comme un couteau à double tranchant. D’un côté, on a la liberté de dire pas mal de choses, de l’autre, on reçoit des commentaires qui peuvent être positifs ou vraiment négatifs. Savoir jongler avec ça, c’est difficile »
, affirme-t-elle.
Elle note aussi que le Web et les médias traditionnels évoluent en vase clos. « Personne des grands médias ne nous parle [aux auteures de TPL et TPL Moms], mais peu à peu, on fait notre place. Écrire sur Internet nous a permis de nous faire connaître, mais on doit se prouver cent fois plus que les journalistes. »
Quand même, toutes les filles interrogées peinent à imaginer à quoi ressemblerait leur vie professionnelle sans Internet. « J’écrirais et je dessinerais quand même, mais je ne crois pas que j’aurais aussi rapidement orienté ma vie professionnelle vers ce domaine. C’est clairement grâce aux réseaux sociaux et au Web que je peux tranquillement bâtir ma carrière idéale »
, conclut Maude Bergeron, visiblement heureuse de vivre au 21e siècle.
Où trouver nos interlocutrices
Josiane Stratis
- Sites Web : tonpetitlook.com et tplmoms.com
- Twitter : @JosianeS
- Instagram : josianes
Mathilde Corbeil
Maude Bergeron
Eugénie Lépine-Blondeau et Coppélia Laroche-Francoeur
- Site Web
- Twitter : @DessousFemCISM
- Instagram : dessousfeminins
Surfer féministe
Preuve que le féminisme a « envahi » Internet, voici une belle liste d’artistes, d’auteures ou d’adresses d’ici et d’ailleurs pour alimenter votre réflexion :
En français
- Le blogue Je suis féministe
- La websérie Les Brutes
- Le projet Les Singulières (textes et photos)
- Les pages Facebook d’Aurélie Lanctôt, Kaligirwa Namahoro, Cathy Wong, Emilie Nicolas et Judith Lussier
En anglais
- Le site de la poétesse et artiste torontoise Rupi Kaur, qui a entre autres causé des remous avec sa série de photos Period, montrant les menstruations sans filtre
- Le site de la Québécoise Geneviève Darling, qui fait de l’illustration et de la sérigraphie
- Le tumblr de la graffiteuse montréalaise Miss Me
- La page Facebook d’Elizabeth Plank ainsi que ses reportages « 2016ish » sur Vox
Crédit pour l’illustration : © Maude Bergeron, Les folies passagères