Aller directement au contenu

L’égalité vue par Claudia Larochelle

Tout commence dans l’enfance, avec ce que nos parents nous enseignent et leurs gestes, que nous reproduisons.

Date de publication :

Auteur路e :

Bandeau :Photo : © Maude Chauvin

La littérature et la culture occupent beaucoup de place dans le quotidien de Claudia Larochelle. Elle en mange! Animatrice pendant 4 saisons à l’émission Lire sur ICI ARTV, on peut la suivre cet automne avec le webmagazine Lire et comme chroniqueuse sur ICI Radio-Canada Première et Télé. Claudia se consacre aussi à l’écriture de romans, dont le plus récent s’intitule La doudou qui ne sentait pas bon. Elle espère que ses suggestions de lecture et ses écrits serviront à construire un monde plus égalitaire. Elle nous confie, par ailleurs, qu’elle a appris de ses expériences : aujourd’hui, elle saurait répliquer aux hommes qui voudraient la mettre en boîte! Machos frustrés s’abstenir!

Logo de la Gazette des femmes

L’affirmation ou la remarque la plus sexiste que vous ayez entendue? Vous avez la chance de répliquer, vous dites quoi?

J’étais une jeune journaliste de 23 ans entourée de certains machos d’une autre génération, voire de quelques misogynes… Ça se passait dans un grand quotidien montréalais… Jolie, naïve et inexpérimentée, je n’étais pas épargnée par les railleries. Un jour, un petit « supérieur » m’a rabrouée devant tout le monde et de manière très violente pour une raison innocente… Je sais très bien que si j’avais été un homme du même âge, ça ne se serait jamais passé ainsi. Je suis donc restée figée, rouge comme une tomate, incapable de répliquer. J’en fais encore des cauchemars… Aujourd’hui, 15 ans plus tard, je lui dirais, à cet homme – maintenant bien confortablement installé dans sa grasse retraite : « Toi, tu ne me parleras pas sur ce ton-là. Tu veux qu’on discute, fais-le clairement et avec respect parce que tes mots ressemblent plus aux cris primates d’un frustré sur le déclin qu’aux conseils d’un professionnel de l’information de qui je pourrais apprendre. » Et vlan!

Un geste égalitaire que vous avez posé ou une parole antisexiste que vous avez dite et dont vous êtes fière?

Ces gestes, paroles ou réflexions, je les transmets chaque jour en élevant ma fille avec en tête des idées d’égalité. Je ferai de même avec mon garçon à naître. Tout commence pas mal dans l’enfance, avec ce que nos parents nous enseignent et leurs gestes, que nous reproduisons plus ou moins consciemment.

Si vous étiez un homme, pensez-vous que ça changerait quelque chose…

… à votre popularité? Absolument. Puisque moins centrée sur mes enfants, j’aurais plus de temps pour le travail, je serais tellement plus performante, donc plus sollicitée.

… à votre chèque de paie? Oui, je travaillerais plus, il me semble que j’aurais de plus gros contrats, que j’aurais donc plus de sous. Peut-être serais-je mieux payée, même?! J’ose à peine imaginer que c’est encore inégal…

… à votre estime personnelle? Je pense avoir des doutes à mon sujet qu’un homme n’aurait peut-être pas sur lui-même. On ne regarde pas un homme comme on le fait avec une femme. La pression sociale exercée sur une femme, à l’écran ou ailleurs, n’est pas la même. C’est ainsi. Encore.

… à vos rapports avec les collègues? Plus jeune, oui. J’avais moins de crédibilité et d’expérience, inévitablement. Mais plus maintenant, non.

… à votre choix de carrière? NON. Le journalisme, l’écriture… Il s’agit de choix d’un individu et non d’un genre.

La personne qui, dans votre vie, a le plus influencé votre vision de l’égalité femmes-hommes?

Ces femmes, mères, intellectuelles, battantes à leur manière qui écrivent avec grâce, liberté et singularité. Les Louise Dupré, Élise Turcotte, Martine Delvaux, Joséphine Bacon, Catherine Mavrikakis, etc. Les femmes journalistes, aussi, qui ont tracé la voie avant moi et qui partagent volontiers leur expérience avec les plus jeunes sans se sentir menacées par je ne sais quoi…

L’égalité n’est toujours pas pleinement atteinte. Pour vous, le nerf de la guerre, le problème, c’est quoi?

L’individualisme… celui des hommes qui ne s’opposent pas au machisme ambiant, mais aussi celui de beaucoup de femmes qui, malheureusement, se contentent de ce qu’elles ont sans chercher à voir plus loin, sans penser aux femmes de demain – pour qui rien n’est encore gagné – ni à celles qui ont pavé la voie avant elles et qui méritent bien qu’on poursuive à notre tour la lutte, pour le présent, pour l’avenir, mais aussi pour les femmes de partout dans le monde qui subissent des sorts atroces, dignes des pires barbaries moyenâgeuses.