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Jeunesse en danger

Autre groupe menacé: les jeunes. Inutile de jouer à l’autruche, ils et elles ont une vie sexuelle active.

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Autre groupe menacé: les jeunes. Inutile de jouer à l’autruche, ils et elles ont une vie sexuelle active. Et mouvementée. Les spécialistes la caractérisent ainsi: progressive, non planifiée, sélective et successive . Monogame? Oui. Mais en série. Le couple dure six mois, un an… Et on recommence ailleurs. Résultats: plus de 75 % des MTS sont contractées par les 15-19 ans. Or, certaines infections, notamment la chlamydia, rendent plus sensibles au VIH. Les statistiques sur le sida laissent songeur: la période d’incubation du virus étant fort longue, jusqu’à douze ans dans certains cas, il apparaît évident que bon nombre de sidéens ont pris le virus au cours de l’adolescence.

Les études montrent que la moitié des jeunes auront fait l’amour avant la fin du secondaire.

Avec condom? Dans un peu plus de 40 % des cas seulement, si l’on se fie à une récente recherche du Département de santé communautaire de l’hôpital Charles-Lemoyne auprès de 1 290 élèves de 5e secondaire. Fait inquiétant: plus le nombre de partenaires augmente, moins le condom est populaire.

Les adolescentes et les adolescents québécois sont-ils convenablement prévenus? Pas sûr. D’autres provinces, le Manitoba et l’Alberta notamment, ont déjà mis la question au programme scolaire. « Ici, commente Catherine Hankins, tout se passe comme si on voulait protéger ses enfants en niant la réalité. Pourquoi les parents québécois hésitent-ils tant à parler du sida à leurs enfants? », se demande-t-elle.

Tout de même, les choses finissent par avancer. Au printemps dernier, Radio-Canada diffusait l’excellent documentaire Le sida, faut que j’t’en parle , dans le cadre d’une émission fort bien faite. De son côté, le ministère de l’Éducation préparait un guide à l’intention du personnel enseignant de « formation personnelle et sociale », qui sera appelé à traiter du sida dans les classes. D’autres personnes-ressources devaient aussi recevoir la formation requise pour intervenir auprès des jeunes dans les écoles. Toutefois, le véhicule en laisse plusieurs sceptiques: Quelle place les profs de FPS réserveront-ils à la question? Sera-t-elle reléguée au dernier rang?

«Les jeunes doivent constituer la grande priorité, déclare Denise Laberge-Ferron. Il faut les rejoindre dans tous les milieux: école, travail, centre d’accueil, rue. Et consentir un effort particulier pour atteindre les «drop-out», les délinquantes et les délinquants qui courent le plus de risques.»

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SOS

Toute personne qui désire des renseignements sur le sida peut communiquer sans frais en toute confidentialité avec le 1-800-463-5656.

Pour Québec et la banlieue, le numéro est 648-2626.

Désireuse de passer le test? Tout médecin peut le prescrire. Il existe aussi à Montréal, à Québec et à Sherbrooke des équipes de prévention et de dépistage qui peuvent nous conseiller et vous soutenir.

Vous pouvez aussi communiquer avec votre Département de santé communautaire (DSC) ou votre Centre local de services communautaires (CLSC).

Quelques numéros utiles. A Québec: Info-sida: (418) 687-3032. A Montréal: Centre d’intervention Sida du CLSC-Métro (514) 934-0552; Sida Centre-Ville (514) 861-6644: Comité Sida Aide Montréal (CSAM) (514) 282-9888; Groupe haïtien pour la prévention du sida (514) 722-1511\722-5655. A Sherbrooke: Centre de dépistage anonyme SOC (819) 565-1330.

Il existe d’autres centres de renseignements sur le sida un peu partout au Québec. Pour connaître le centre le plus près de chez vous, s’adresser à Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQSIDA), C.P. 26, Succ. Delorimier, Montréal (Québec), H2H 2N6. Tél.: (514) 521-7432

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Lutte et prévention

Contre le fléau du siècle, la prévention reste pour l’instant la seule arme. Grâce à l’amélioration des soins et à certains médicaments, l’AZT notamment, les personnes infectées peuvent vivre plus longtemps et mieux. Pas guérir, hélas!

Partout, la lutte au sida s’organise. Coûteuse lutte. De 1989 à 1992, Québec y consacrera 21 millions $. La moitié des 7 millions $ prévus pour cette année iront à la prévention, le reste à la recherche et à l’amélioration des soins. De son côté, Ottawa a présenté son premier programme national promis par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, Perrin Beatty. Au cours des trois prochaines années le gouvernement fédéral prévoit dépenser 112 millions $.

« Même s’il se fait beaucoup de choses, nuance Catherine Hankins, il manque une stratégie, une vue d’ensemble. » Et puis, le retard pris au début coûtera cher: il faudra mettre sur pied tout un réseau de soins pour traiter les malades que la prévention aurait pu épargner. Prévention, prévention. Ne sommes-nous pas las d’entendre ce mot? « Peut-être, répond Denise Laberge-Ferron. Mais je vois énormément de gens qui ont envie d’agir; l’engagement de certaines personnes tient presque du missionnariat. »

Exemple d’intervention réussi: Cactus. Rue Saint-Dominique, à Montréal, une porte s’ouvre aux junkies. Financé par Québec et Ottawa, le Centre d’action communautaire auprès des toxicomanes utilisateurs de seringues connaît un vif succès; les toxicomanes y trouvent non seulement des seringues propres mais aussi des condoms, de l’information et une oreille attentive. Plusieurs optent même pour la désintoxication. « Les gens qui veulent s’en sortir sont de plus en plus nombreux », constate Denise Laberge-Ferron.

Curieux phénomène tout de même…

Ainsi, le sida aura permis à des centaines de toxicomanes de sortir de la clandestinité pour trouver, dans le désert urbain, un peu de compassion.

Après avoir ébranlé nos certitudes, semé le doute en chacune et chacun de nous, instillé la suspicion dans les couples, le sida nous forcera-t-il à revoir nos façons d’aimer? A repenser les rapports entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, entre bien-pensants et marginaux? Une chose est sûre: plus que jamais, la franchise s’impose. A l’ère du sida, le mensonge peut tuer.