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Femmes sur les chantiers : l’union des forces!

Point de vue d’une grutière et d’un grutier de la nouvelle génération

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La construction est aujourd’hui encore une affaire d’hommes. Les préjugés sont tenaces et plusieurs considèrent toujours les professions de chantier comme des « jobs de gars ». Les chiffres parlent : les travailleuses de la construction représenteraient moins de 2 % de toute l’industrie. Malgré tout, les femmes investissent le milieu, lentement mais sûrement. Pour discuter de ce changement qui s’opère sur les chantiers, et pour mieux comprendre la place qu’y occupent les femmes, nous avons rencontré deux « recrues » : Geneviève, grutière depuis près de 2 ans, et Charles, grutier depuis 7 ans. Un métier qui, avec ses 2 % de femmes, représente bien le secteur actuel de la construction au Québec. Entrevue croisée!

D’après vous, pourquoi pense-t-on encore que votre métier est un « métier d’homme »?

(Geneviève) Parce que ça ne fait pas longtemps que les femmes ont investi la construction, simplement! On n’a même pas atteint l’égalité salariale partout, encore. Je pense cependant que les mentalités changent, tranquillement, surtout chez les recrues. C’est chez les vieux de la vieille que j’observe plus de doutes, de questionnements, de réticences.

(Charles) Peut-être parce que ça prend une certaine forme physique, ou qu’on conduit des gros camions, et que c’est intimidant, au début… Mais je pense que la construction comme telle rebute : c’est un domaine qui n’est pas toujours rose, surtout pour les femmes. Ça change, cependant! Par exemple, dans la compagnie pour laquelle je travaille, je côtoie deux grutières.

Selon vos observations, les grutières sont-elles traitées différemment des grutiers sur les chantiers?

(Geneviève) Je pense que oui. On doit être faites fortes. Certaines se construisent une armure, une carapace, pour s’adapter à leur environnement qui est encore difficile. Moi, je fais preuve de beaucoup d’humour et de désinvolture! Avoir un côté sociable et être diplomate, ça aide. Quand tu deviens one of the boys, que tu gagnes le respect de tes collègues, ça se passe bien, en général. Et pas besoin de « jouer au gars ». On peut être féminine et tout de même réussir dans le domaine.

On n’a même pas atteint l’égalité salariale partout, encore. Je pense cependant que les mentalités changent, tranquillement, surtout chez les recrues. C’est chez les vieux de la vieille que j’observe plus de doutes, de questionnements, de réticences.

– Geneviève

(Charles) Oui, mais… souvent de façon positive! Il existe une certaine galanterie sur les chantiers. Les gars sont serviables, prompts à aider leurs collègues féminines. Reste que le domaine est tout de même relativement sexiste. Ça doit être une drôle d’expérience d’être une femme sur un chantier, quand tous les travailleurs se mettent à siffler une passante. C’est caricatural, mais ça arrive encore souvent!

Croyez-vous qu’il est difficile pour une femme d’investir la profession?

(Geneviève) Personnellement, je me sens respectée par mes collègues. Et c’est pour ça, je crois, que je suis capable de prendre avec un grain de sel les quelques plaisanteries ou commentaires que je peux recevoir sur les chantiers. Si je ne me sentais pas respectée, j’aurais peut-être une réponse différente, mais je pense réellement qu’on apprécie ma présence et mes compétences.

(Charles) On manque de bras, alors non! (Rires.) Peut-être, en fait surtout, en ce qui a trait à l’ambiance de travail. Les mentalités ont changé et il y a maintenant des comportements qui ne passent plus. Avec les jeunes qui investissent le domaine, il y a une culture de respect qui grandit, puisque les employeurs veulent attirer les talents et les garder. Reste qu’il y a encore du chemin à faire, en termes de sexisme, mais également de racisme. On en entend encore des vertes et des pas mûres, même si ça arrive de moins en moins souvent.

Y aurait-il, à votre avis, un moyen pour attirer plus de femmes dans le domaine de la grue?

(Geneviève) J’ai choisi la profession après avoir eu mes enfants, alors que je tentais de réorienter ma carrière, et j’ai découvert le métier après un long processus d’orientation, où j’en ai appris plus sur les différents secteurs de la construction. Je crois que c’est la clé du succès : l’approfondissement des connaissances sur l’industrie! Les femmes pensent souvent que la construction n’est pas une option, que ce n’est pas fait pour elles. Et pourtant… Être grutière, par exemple, c’est très mental, méthodique. Les femmes peuvent y exceller.

Avec les jeunes qui investissent le domaine, il y a une culture de respect qui grandit, puisque les employeurs veulent attirer les talents et les garder. Reste qu’il y a encore du chemin à faire, en termes de sexisme, mais également de racisme.

– Charles

(Charles) Je ne sais pas… mais je le souhaite, qu’il y ait plus de femmes dans l’industrie! Je pense que ça créerait une ambiance de travail plus saine, que ça brasserait les vieilles mentalités. Déjà, en 10 ans, j’ai vu une grande augmentation du nombre de travailleuses. Et elles ont l’air d’aimer leur job, alors ça doit en inspirer d’autres!

Selon vous, comment le domaine pourrait-il bénéficier de l’apport des travailleuses?

(Geneviève) J’ai l’impression que dans un chantier où il y a des femmes, les hommes se sentent plus à l’aise de parler d’autres choses que de chars… Ils se permettent une sensibilité, et ça rend l’ambiance de travail plus humaine. À mon avis, les femmes et les hommes sont complémentaires, et un lieu de travail qui combine leurs forces respectives, c’est le meilleur des deux mondes!

(Charles) Les femmes ont la réputation d’être de très bonnes grutières. Elles sont précises, minutieuses, travaillantes… Toutefois, je pense que le domaine doit être repensé en général; il faudrait serrer la vis quant aux compétences des travailleurs. Mais ce n’est pas une question de sexe, selon moi!

* * *

Sexisme ambiant, iniquité salariale, doutes, Geneviève et Charles constatent tous les deux des embûches certaines à l’intégration des femmes dans leur corps de métier. Leurs propos révèlent du même souffle que leur milieu de travail se voit amélioré, bonifié par la présence des femmes, et ce, sous de multiples facettes : ambiance de travail plus saine et respectueuse, évolution des mentalités, communication, minutie. Un constat pour le moins positif… et encourageant!

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