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Les dessous cachés des tampons industriels

Tampons hygiéniques : on ne nous dit pas tout.

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Savez-vous ce que contient exactement un tampon industriel? Nous non plus. Normal : les fabricants refusent de dévoiler ce secret. Mais de plus en plus de voix exigent de connaître la composition de ces produits. Simultanément, les options naturelles, plus saines, écologiques, éthiques et économiques, gagnent en popularité au moment des règles.

Lors de la dernière Semaine de la mode de New York, qui se déroulait du 11 au 18 février 2016, une mannequin de 28 ans a défilé avec une prothèse en guise de jambe droite. Lauren Wasser a dû se faire amputer le membre sous le genou, il y a quatre ans. La Californienne a été victime du syndrome du choc toxique (SCT), une maladie infectieuse rare, mais potentiellement fatale, associée à l’utilisation de tampons super absorbants. La jeune femme l’a échappé belle.

Dans un témoignage poignant paru sur YouTube, Lauren Wasser raconte qu’elle s’est retrouvée à 10 minutes de la mort, que ses organes vitaux ont cessé de fonctionner et qu’elle a dû être maintenue dans un coma provoqué médicalement pendant plus d’une semaine. À la suite de l’amputation – sa jambe était ravagée par la gangrène –, elle a sombré dans la dépression. Elle affirme avoir subi des douleurs extrêmes et souffrir encore aujourd’hui.

Malgré le calvaire qu’elle a vécu, la Californienne s’estime chanceuse. D’autres femmes et adolescentes victimes du SCT à la suite de l’utilisation de tampons y ont laissé leur peau. Désormais, Lauren Wasser milite pour faire parler de cette pathologie qui peut être mortelle. Elle poursuit aussi devant les tribunaux Kimberly-Clark Corporation (le manufacturier et distributeur de Kotex, la marque de commerce responsable de son malheur) ainsi que le magasin où elle a acheté la boîte de tampons.

Aux États-Unis toujours, la sénatrice de l’État de New York, Carolyn Maloney, se bat depuis les années 1990 pour faire adopter le Robin Danielson Tampon Safety and Research Act, du nom d’une victime décédée du SCT. Son projet de loi réclame que la composition des tampons soit rendue publique et que des recherches soient effectuées, notamment en ce qui concerne la dioxine, les fibres synthétiques, les pesticides, les fragrances chimiques et autres composants toxiques éventuellement présents dans les tampons.

La politicienne fait valoir qu’une femme ayant un cycle de cinq jours peut utiliser jusqu’à 16 800 tampons au cours de sa vie. Le vagin étant l’une des parties du corps les plus poreuses, elle estime prudent que des recherches soient menées sur les effets de l’usage à long terme des produits hygiéniques industriels. Depuis 1997, le projet de loi a été présenté plusieurs fois devant les législateurs – essentiellement des hommes –, toujours sans succès.

Une Française engagée

Photographie de Mélanie Doerflinger.

Mélanie Doerflinger, initiatrice d’une pétition réclamant des fabricants de tampons plus de transparence, promet de lutter jusqu’à ce que les composants soient clairement indiqués sur les emballages.

De l’autre côté de l’Atlantique, une jeune Française, Mélanie Doerflinger, lançait il y a un an un appel aux fabricants de tampons pour qu’ils révèlent sur les emballages la composition de leurs produits. « Quand j’ai découvert l’histoire de Lauren Wesser, j’ai réalisé que les femmes ignorent ce qu’elles insèrent à l’intérieur de leur corps plusieurs jours par mois pendant des années. Je suis restée choquée, d’autant plus que personne ne réagit », confie-t-elle.

Sur Facebook, la jeune femme a créé une pétition réclamant des fabricants de tampons davantage de transparence à propos des ingrédients qu’ils utilisent; celle-ci a été signée par près de 250 000 personnes. « Les signataires sont de tous les horizons : des femmes et des hommes, des parents, des grands-parents, des professionnels de la santé, des étudiants… Des gens qui se soucient de la santé des femmes qui leur sont proches et des femmes en général. »

Toujours l’an dernier, Mélanie Doerflinger s’est adressée aux représentants commerciaux de Tampax pour obtenir des explications sur l’absence d’information sur les composants. « On m’a répondu que mes questions étaient légitimes, qu’on verrait à ce que le problème soit réglé, mais rien n’a changé depuis », regrette-t-elle. Dans la foulée du succès de la pétition, la jeune femme a été invitée à présenter son combat sur diverses plateformes médiatiques.

Dans les mains des politiques

Début 2016, Mélanie Doerflinger a rencontré une conseillère de la ministre de la Santé française pour faire valoir sa revendication ainsi qu’un conseiller de la secrétaire d’État à la consommation, Martine Pinville. « Celle-ci semble sensible à la question et déterminée à exercer des pressions sur les fabricants de tampons, mais les choses avancent très lentement. » Par ailleurs, des députées européennes ont contacté l’étudiante et souhaitent amener la problématique à la Commission européenne.

Mélanie Doerflinger promet de lutter jusqu’à ce que les composants des tampons soient clairement indiqués sur les emballages. « Les choses peuvent très bien changer. Par exemple, des féministes sont parvenues à faire abolir les taxes sur les produits hygiéniques. » En effet, des mobilisations pour éradiquer ou réduire les taxes sur ces produits jusqu’alors jugés « non essentiels » ont porté leurs fruits.

Le Canada a été pionnier en la matière : depuis le 1er juillet 2015 – quelques mois avant les élections fédérales… –, les tampons, serviettes hygiéniques et coupes menstruelles sont exemptés de la taxe sur les produits et services. En France et en Angleterre, où ces produits peuvent être taxés jusqu’à 20 et 5 % respectivement, des groupes féministes se mobilisent pour faire valoir qu’ils sont de première nécessité et doivent être considérés comme tels par le gouvernement.

Options naturelles en hausse de popularité

Parallèlement, les solutions de rechange aux produits conventionnels fabriqués par des multinationales gagnent du terrain. Les tampons et serviettes en coton biologique, les coupes menstruelles, les éponges de mer et les serviettes en tissu comptent toujours plus d’adeptes.

« En 15 ans, j’ai vu de nouvelles marques de produits alternatifs apparaître sur le marché québécois, comme des serviettes lavables ou des produits jetables sans chlore », observe Natalie Lavoie, copropriétaire du site Centre nature et santé, un portail sur la santé naturelle au Québec. Elle note qu’il est aussi beaucoup plus facile de se les procurer aujourd’hui, car il existe davantage de points de vente. « Il y a 15 ans, seuls quelques magasins de produits naturels au Québec vendaient ces produits; aujourd’hui, les coupes menstruelles sont offertes en pharmacie. »

Selon Nathalie Lavoie, les filles des nouvelles générations sont de plus en plus sensibles à ce qu’elles utilisent durant leurs règles. « Je rencontre beaucoup de jeunes filles qui ont recours aux produits d’hygiène féminine alternatifs, et même qui se fabriquent elles-mêmes des serviettes lavables à partir de tissu recyclé, de coton non blanchi et biologique, de chanvre ou de bambou. Je connais aussi des femmes dans la trentaine et la quarantaine qui utilisent maintenant une coupe menstruelle. »

Selon la spécialiste du vivre au naturel, un grand avantage des serviettes lavables est leur confort. « Prenez les serviettes en coton biologique : on oublie facilement qu’on en porte puisqu’elles retiennent beaucoup moins l’humidité. » Et cette solution est plus économique à long terme, souligne-t-elle.

Lentement mais sûrement, cette révolution pourrait faire mal à l’industrie des produits hygiéniques conventionnels qui, aux États-Unis seulement, vaut quelque 3,1 milliards de dollars. Surtout si les fabricants continuent de refuser de monter dans le train de la transparence.